Rose Hip Rose, Rose Hip Zero, Tokko
de Toru Fujisawa
(Pika)
Les histoires :
Dans Rose Hip Rose et Rose Hip Zero, une collégienne amnésique est l’arme secrète d’une unité anti-terroriste de la police de Tokyo. Comme si ce n’était déjà pas assez bizarre, elle se signale également par une rose tatouée sur l’intérieur de la cuisse, et par l’usage de balles en plastique, pour ne pas tuer les gros vilains. Dans Tokko, c’est avec des sabres que les flics déssoudent les zombis venus des enfers, mais toujours en tenue moulante et le 95 B en évidence. Or, pour nos différents héros, il existe bien plus dangereux que les terroristes et les monstres : il y a le comité de rédaction de Kodansha...
Ce que j’en pense :
Ça se présentait pourtant bien. Mettez-vous à ma place : je fais mon tour habituel aux rayonnages de mon soldeur du coin, où je repère trois intégrales d’un auteur réputé, Toru Fujisawa, dont tout le monde ou presque, moi y compris, a aimé la série phare, GTO. Je me dis qu’à un prix aussi bas, je ne risque rien à emporter les douze volumes que constituent Rose Hip Rose, Rose Hip Zero et Tokko – ce dernier titre m’ayant récemment aguiché par une grande illustration dans l’interview du mangaka, dans Animeland HS 18. Un dessin qui ressemblait à un mix de Zetman, de Blood et de Death Note, avec le trait de GTO. En fait, c’était trop beau, j’aurais dû me méfier.
Je ne fais plus durer le suspense : Rose Hip Rose, Rose Hip Zero et Tokko sont parfaitement dispensables. Voilà trois mangas qui possèdent les mêmes défauts rhédibitoires, à savoir :
- d’un côté, des commencements intéressants, de beaux dessins, des jolies filles, de la belle baston, une édition haut-de-gamme;
- de l’autre, des fins en queue de poisson (ou carrément inexistantes), du remplissage, des vannes super-pourries et une narration qui fait du sur-place. C’est engageant, hein?
En fait, les trois titres souffrent du même mal qui frappe un auteur à succès, qui cherche à se diversifier ou à surfer sur des genres qui marchent, mais qui se contente de l’apparence sans avoir l’ombre d’une idée originale. Des adolescentes avec des flingues ou des sabres, qui canardent des vilains terroristes ou des vampires/monstres/morts-vivants/chefs de service/belles-mères (rayez la mention inutile), ça a beau être à la mode, ça ne suffit pas à faire un succès facile, même quand on est un auteur reconnu. Ce serait même plutôt le contraire : quand on se lance dans ce genre ultra-bateau, à plus forte raison lorsqu’on s’appelle Toru Fujisawa, la moindre des choses serait de proposer quelque chose en plus, je ne sais pas, moi, des intrigues par exemple. Ou alors, puisqu’on connaît le penchant du mangaka pour un certain type d’humour pas très fin mais efficace, un traitement parodique aurait peut-être fonctionné. Mais voilà, sans véritable direction ni ton personnel, Rose Hip Rose, Rose Hip Zero et Tokko ne me laissent que des regrets.
Et c’est dommage, parce qu’à chaque fois, le début m’avait accroché, et j’étais prêt à suivre les personnages dans leurs rocambolesques aventures, bon public comme je suis. J’ai même tout lu jusqu’aux dernières pages, en espérant chaque fois que cela allait enfin décoller. C’est à la limite du foutage de gueule. Rose Hip Rose est le plus mal foutu des trois. Mais je lui laissais le bénéfice du doute : après l’arrêt prématuré de la prépublication, Fujisawa remettait le couvert avec un nouveau titre, Rose Hip Zero, et on allait voir ce qu’on allait voir : le développement enfin attendu, le background des personnages, bref, des explications qui nous feraient enfin croire à l’intrigue. Cela en prenait le chemin, avec la constitution d’un duo explosif (la bimbo de 15 ans se retrouve flanquée d’un partenaire macho à la Onizuka), la piste d’un complot néo-nazi avec expériences génétiques interdites (oui, là aussi c’est bateau, m’enfin bon, c’est mieux que pas d’idée du tout), des complicités au plus haut niveau de l’Etat… Mais une fois de plus, ça tourne vite à le démonstration gratuite, à la virtuosité graphique qui tourne à vide, avec un paquet d’invraisemblances rarement vues (le flic macho qui se fait truffer de plomb toutes les 50 pages, et qui s’en remet chaque fois comme un nouveau-né), et des scènes comiques qui arrivent comme un cheveu sur la soupe (la blague du flingue géant en chocolat… pathétique).
Le troisème titre, Tokko, était peut-être le plus prometteur… et finalement le plus décevant. On laisse de côté les minettes à gros flingues (et au QI inversement proportionnel au tour de poitrine), pour aborder le genre seinen adulte et sombre. A noter que ce titre est sorti dans la collection « Senpai » de Pika. Au moins, la tonalité est annoncée : ce sera noir et rouge-sang. Graphiquement, le début est superbe, et globalement, tout le premier tome m’a plu. Les pages couleur sont très soignées et posent une ambiance de cauchemar glauque et mystérieuse à souhait. L’histoire est assez peu originale, ni très subtile – Tokyo est envahie par des démons, et la police recourt à une unité spéciale de super-héros pour les éliminer – mais les monstres sont assez bien vus, et l’atmosphère torturée comme il faut. Hélas, une fois de plus, Fujisawa saborde sa propre histoire avec une désinvolture qui frôle le cynisme, et lorsque tombe le couperet de l’arrêt de la pré-publication, il ne prend même pas la peine de soigner la fin : il n’y en a simplement pas. Autant, pour Rose Hip Rose, l’arrêt était salutaire – à quoi bon s’acharner sur une série qui n’avance pas – autant, pour Tokko, c’est du gâchis. La série a beau comporter trois volumes, en fait, elle s’arrête dès la fin du second, sans explication, le troisième volume proposant… une nouvelle histoire, qui ne reprend aucun des personnages de Tokko. Un genre de one-shot annexe, par ailleurs grotesque, qui se contente d’aligner des scènes de combats aussi grandiloquents que sans intérêt, avec de nouveaux personnages sortis d’on ne sait où, faisant on ne sait quoi, dans on ne sait quel but. Conclu n’importe comment, Tokko n’est pas un nanar comme Rose Hip Zero (qui, rétrospectivement, procure au moins le plaisir coupable du portnawak), mais un véritable ratage. Et ça me fait chier d’écrire un truc pareil : ça me fait écrire de la critique négative facile. J’ai été tellement déçu par ces mangas que j’ai été tenté, pour la première fois depuis le début du blog… de leur donner une note. C’est dire…
Dans la mesure où je n’ai jamais été tenté de lire GTO, je ne risquais pas de donner leur chance aux autres séries de l’auteur. Et apparemment, j’ai bien fait…
c’est précisément parce que ces trois séries ne possèdent aucune des qualités – assez particulières – de GTO qu’elles déçoivent. GTO est vulgaire, exagéré, lourd, bas du front, mais aussi impertinent, féroce, jubilatoire et personnel.
Rose Hip Tokko manque de personnalité, et prouve qu’il ne suffit pas de faire de jolis dessins pour faire un bon manga. Faut croire un minimum à ce qu’on raconte. Je me demande à quel point ce n’est pas fait exprès : genre un travail de commande qui le fait chier et qu’il sabote.
Je ne pense pas que la série des Rose Hip, aussi détestable soit-elle, soit effectivement un travail de commande. Ne serait-ce que parce que l’auteur s’est « donné la peine » de concevoir le prequel « Rose Hip Zero ». De toute manière, les flans commerciaux qu’ont été ces séries, et le fait que Fujisawa ait relancé sa licence Onizuka avec 14 Days (qui aura duré 9 volumes, tout de même), sont bien la preuve que le mangaka n’est vraiment plus à l’aise qu’avec l’humour un peu crétin.
J’ai l’impression que l’auteur a du mal à sortir de GTO, surtout.
« J’ai l’impression que l’auteur a du mal à sortir de GTO, surtout. » -> c’est la seule chose qu’il fait de bien, il aurait tort de s’en priver…
Mackie, je te conseille plutôt Shonan Junai Gumi (GTO1), Bad Company (GTO2) et Shonan 14 days (GTO4).
Excuse moi mais c’est l’inverse Bad compagny (Collège) ce déroule avant Young GTO (Lycée).
Les Rose Hip, tout comme Tokko, sont en effet des titres peu reluisants. Ceci dit, Fujisawa a quand même été capable de pire: Momoider et, dans une moindre mesure, Kamen Teacher.
Ouais, Momoider, c’est quelque chose. En plus ils ont mis le paquet côté packaging, pour que ça égaye un peu l’étagère à défaut d’autre chose. J’ai bien failli me faire avoir.
belle unanimité. Momoider et Kamen Teacher, encore pire? ça fait presque envie… comment ça, « j’ai des goûts bizarres » ?
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