Un newbie chez les fanzines : 1- Dokkun

L'espace des stands amateurs à Japan Expo 2013.

Comme je vous le disais dans mon compte-rendu de Japan Expo 2013, cette année j’avais décidé d’aller à la découverte d’un univers pour moi méconnu : celui des fanzines. Et je dois l’avouer, c’est bien là que j’ai glané mes meilleurs souvenirs, et de loin. À tous les stands que j’ai visités dans le hall des amateurs, j’ai été accueilli avec gentillesse, humour et décontraction, et franchement, à Japan Expo, ça fait du bien. Pas de langue de bois, ni de propos convenus ou calculés… En revanche, du talent, oui, il y en a. D’ailleurs, qu’on ne s’y trompe pas, les succès de demain se préparent ici, et j’ai d’ailleurs pu voir certains responsables de maisons d’éditions bien connues faire leurs provisions… Pas de noms !

J’ai donc décidé de consacrer plusieurs billets à ces artistes, qui gagnent tous à être connus, et notamment Dokkun, le collectif de dessinateurs gays, que je vais vous présenter tout de suite.

Honnêtement je ne les connaissais pas, bien qu’ils soient cités dans le remarquable numéro 1 de la revue Manga 10.000 Images sur le yaoi et l’homosexualité dans le manga. Entendons-nous : Dokkun ne fait pas de yaoi. Pas du tout. À l’instar de Dimitri Lam, autre auteur français que j’ai interviewé en 2012, Dokkun se revendique comme gay, c’est-à-dire qu’ils dessinent des histoires explicites avec de vrais mecs, à destination d’un public homosexuel. Mais le mieux est encore de donner la parole à Yann Duminil, qui a gentiment répondu à mes questions :

Dokkun, c’est quoi?
Yann – C’est un fanzine gay pour les hommes – même si on a aussi des lectrices – qui est érotique, humoristique, enfin, on essaie de ne pas se prendre au sérieux. Le fanzine est un recueil d’histoires par plusieurs artistes, souvent des one-shots, avec parfois des personnages récurrents. On essaie de sortir un numéro par an.

Peux-tu présenter les auteurs ?
Yann – Sur le stand il y a Rémi, Fabrissou, Fab et moi. Je suis graphiste de profession. Je n’ai pas encore fait d’histoire pour Dokkun, mais j’en prépare une. Je fais aussi des graphismes et des illustrations pour nos goodies (cartes, mugs…). Sinon en tant que graphiste, mon rôle est de faire la maquette et la mise en pages. On essaie de donner à Dokkun un aspect pro, suivi. Pendant des années on a fait des fanzines en photocopie, très amateur, maintenant on peut offrir quelque chose de joli, à un niveau quasi professionnel.

Rémi, Fabrissou et Yann sur le stand Dokkun

Rémi – Oh, moi je suis un peu l’ovni sur le stand (sourire), car je travaille comme dessinateur professionnel dans les comics, et aussi dans le dessin animé. Par exemple, pour de la m des jobs « alimentaires », comme Totally Spies. D’habitude on me trouve à Comic-Con à l’artists’ alley, mais c’est devenu très cher. Alors comme je participe au fanzine, je suis sur le stand de Dokkun avec les copains !

Y a-t-il une structure derrière Dokkun ? Une assoc ?
Yann – Pour le moment c’est informel, on n’a pas eu besoin de faire une assoc, mais un jour peut-être ? En fait, on a démarré ce collectif il y a trois ans en l’auto-finançant, pour le fanzine, et aussi pour les frais de stands à Japan Expo. La première année on s’est lancé sans savoir si ça allait marcher, et puis voilà, on revient, on réédite les anciens numéros, on est passés d’un stand d’une table à deux tables, c’est plutôt sympa !

Pourquoi avoir créé le fanzine Dokkun ?
Yann – Quand on a vu arriver la déferlante yaoi, on se désespérait de ne pas pouvoir trouver en France de vrais mangas gays japonais (sauf en import sur internet), ce qu’on appelle le « bara » aux US (les japonais n’utilisent pas trop ce terme). Alors que ça avait un certain succès en Espagne, en Allemagne, mais en France, rien, à part quelques mangas de Gengoroh Tagame publiés chez H&O. Et puis ce qu’il fait est quand même assez spécial, sado-maso, c’est pour un public averti. On s’est dit, ok, vu l’essor du yaoi, il y a de la place pour du manga gay comme on le voudrait. Fabrice, alias Fabrissou, qui est à l’origine de Dokkun, faisait du fanzine depuis plusieurs années. Il a fédéré plusieurs artistes qui ont participé en apportant des histoires, notamment des pros comme Logan

Et le yaoi, donc ?
Yann – Ben, en tant que gay, le yaoi m’intéresse seulement pour le dessin, c’est tout… mais sinon je ne m’y identifie pas, à part peut-être quelques titres comme New York New York, ou le manga Banana Fish, que j’ai achetés à l’époque. Faut dire que nous on est plutôt barbus, joufflus, on n’est pas trop le genre yaoi (rires). Notre image de marque, c’est le personnage dessiné par Fabrissou, barbu, costaud (exemple ci-contre!)… Mais bon, y a pas que des « bears » dans Dokkun, on a aussi fait quelques histoires avec des personnages androgynes, on essaie de mélanger les genres. Faut laisser personne sur le bord de la route.

Et le Shingo Araki Tribute, comment est-ce venu ?
Yann – C’est Olivier, un libraire, qui connaissait personnellement Shingo Araki, qui est à l’origine de ce projet. Quand Shingo Araki est mort, il a demandé l’autorisation à sa veuve de réunir des illustrations pour faire un hommage. Olivier a écrit le texte, rassemblé des originaux de collectionneurs privés, quelques dédicaces de Shingo Araki. Les tributes sont d’artistes de Dokkun, Fabrissou, Fab, Remi, moi, et aussi de quelques grands noms comme Kara, Moonkey, Patrick Sobral… C’est un petit tirage, mais on voulait marquer le coup, on est d’une génération qui a grandi avec Ulysse 31, les Chevaliers du Zodiaque, La Rose de Versailles

Quand je range mon enregistreur en remerciant Yann pour ses réponses, arrive Fabrissou, le stand est alors au complet. Je leur demande s’ils veulent bien me dédicacer le Shingo Araki Tribute, pour lequel ils ont tous les quatre fait un ou plusieurs dessins, chacun dans son style. Comme je sais que Kara est en dédicace chez Soleil, j’irai aussi le voir pour qu’il me signe son beau dessin. Je discute encore avec les uns et les autres, notamment avec Fab, le petit jeune de Dokkun (à gauche, avec un superbe Submariner), originaire de Nouvelle-Calédonie, qui me présente ses belles illustrations de comics.

Je repars content avec mon artbook dédicacé, en route pour de nouvelles rencontres qui j’espère vous intéresseront aussi. A bientôt pour la suite !

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5 Responses to Un newbie chez les fanzines : 1- Dokkun

  1. Pingback: Un newbie chez les fanzines : 1- Goku et Akusei, From Across A Foreign Shore | Les chroniques d'un newbie

  2. Corti says:

    Tiens, ça me rappelle ce que j’avais écrit lorsque j’avais découvert la chose : http://puceau.corti.over-blog.com/article-o_o-50316904.html

    Et ouaip, ils sont sympa comme tout, fabrissou a même fait une illustration pour le dernier fanzine de la Brigade.
    Ça a l’air sympa le Shingo Araki Tribute sinon !

    • Mackie says:

      j’aime bien le ton de ton billet, très « corti-esque » XD

      le Tribute est très joli, je ne sais plus combien je l’ai payé (pas cher) mais dépêche toi il ne doit pas leur en rester beaucoup, Kara m’a dit qu’il n’en avait même pas lui-même, j’espère qu’il sera passé sur le stand ^^
      c’est un artbook petit format, 40 pages couleur.
      certains dessins sont à tomber, j’ai un faible pour le Kara (une Thémis d’Ulysse 31 qui joue de la flûte l’air triste), Yann a fait un cross-over rigolo de Saint Seyia et de Totoro, et Fab a dessiné un Pégase un peu plus, hmmm, sensuel que d’habitude ^^

  3. Natth says:

    Je crois que j’ai lu mon premier manga bara deux ou trois jours avant que tu ne postes cet article. Marrant ^^
    J’ai préféré commencer par le manga Virtus pour le côté Antiquité, pour l’histoire et les tempéraments, pour le fait que l’aspect SM vienne plus des circonstances que du goût des personnages, pour la conclusion et parce que Crescens est quand même vachement bien dessiné. Par contre, je trouve dommage que Gengoroh Ta

    • Natth says:

      Mon ordi a bugué, désolée pour le précédent message -_-

      Je crois que j’ai lu mon premier manga bara deux ou trois jours avant que tu ne postes cet article. Marrant ^^
      J’ai préféré commencer par le manga Virtus pour le côté Antiquité, pour l’histoire et les tempéraments, pour le fait que l’aspect SM vienne plus des circonstances que du goût des personnages, pour la conclusion et parce que Crescens est quand même vachement bien dessiné. Par contre, je trouve dommage que Gengoroh Tagame ne dessine pas plus de décors. Il dessine tellement bien qu’on aimerait en voir plus.

      J’avais lu le premier volume de Dokkun à sa parution et je l’avais trouvé bien fait. Beaux dessins, bonne qualité matérielle de l’objet. Je pense aussi qu’il comblait une absence face à tous les fanzines yaoi. J’avais moyennement accroché, mais je ne pense pas que cela venait du côté graphique. Plus le temps passe, moins j’apprécie les fanzines au format plus « court », et ce quel que soit le genre (successions de fan-arts, récit de quelques pages…). D’ailleurs, je lis de plus en plus de fanzines type romans illustrés. Mais je n’ai pas suivi les dernières parutions de Dokkun, je ne donnerai donc pas d’avis dessus.

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