Des mangas pour hiberner

En hibernation : voilà comment on pourrait décrire l’activité du blog ces dernières semaines – à ceci près que ça a commencé en septembre et qu’avec l’arrivée des premiers flocons, les chroniques font enfin leur réapparition. J’ai beaucoup lu. Je vais continuer, et je vous exhorte à faire de même, aussi je vous propose sans plus tarder quelques sélections de titres qui réchauffent le cœur (à défaut des pieds et des mains). Pour le premier lot de mangas, je vais vous parler d’amour. ♥

Je commence par le plus récent, Candy, série en deux tomes parus chez Taifu respectivement les 26 septembre et 24 octobre derniers. Je sais ce que vous allez dire, ouais, encore du yuri, le newbie à son âge il ferait bien d’arrêter de lire des histoires avec des adolescentes qui se font des… trucs, etc. Vous-vous-trom-pez ! (enfin presque). Au-delà du simple fait que je trouve les yuri plus jolis à regarder que les yaoi, j’ai une même approche pour tous les genres de manga : une bonne histoire avant tout. Et c’est le cas avec ce Candy, qui, ça ne gâche rien, est plutôt joliment dessiné.

Ce qui fait l’intérêt de ce diptyque tient à très peu de choses. L’intrigue est ténue : ce sont deux jeunes filles qui tombent pour la première fois amoureuses, une sage et timide, l’autre sportive et délurée. Pas de scènes érotiques, mais un zoom sur la naissance des sentiments, admiration qui devient attirance, puis passion. Simplicité et justesse. Le trait est à l’image de la narration : délicat, aérien, et sans fioritures. Tout cela n’est guère révolutionnaire, mais en cette période morose, un peu de douceur n’est pas de refus, même si elle ne dure pas plus qu’un bonbon acidulé.

Sorti en 2013 également, Mes petits plats faciles by Hana porte un titre bien curieux. Livre de recettes? Pas réellement. Il faut avoir l’audace d’un jeune éditeur comme Komikku pour publier un manga aussi inclassable, et c’est à saluer. Je me demande en effet quel public peut se passionner pour les monologues d’une jeune femme esseulée et bordélique qui se rabat sur la nourriture, répétant, chapitre après chapitre, le même délire culinaire approximatif, consistant à improviser des repas avec les restes pas toujours très frais de son réfrigérateur. Vous, je ne sais pas, mais je suis client. Les premières pages me troublent de façon insidieuse avec cet érotisme très gustatif, les formes rondes et enfantines de Hana étant nettement plus appétissantes que les mixtures qu’elle prépare pour tromper l’ennui (« Hmm ! ce goût subtil de mayonnaise rôtie » ouais, ben sans moi hein). Après les préliminaires que sont la préparation des ingrédients (« Mettez le neuneuf dans le troutrou… »), la dégustation de chacun des repas ainsi concoctés se termine par une sorte d’orgasme, à grand renforts de filets de salive, de larmes, de « c’est crôô bon » , etc.

Je ne sais pas si j’ai vraiment envie de préparer les « recettes » décrites, mais je me dis que cette poulette a un rapport très particulier avec la nourriture, et c’est plutôt ludique. D’autant que les monologues (co-traduits par Patrick Honnoré) sont bourrés de jeux de mots délicieusement stupides, et certainement pas d’origine (genre « Bon appétit – à petit l’oiseau fait son nid » ah ouais quand même). Un humour à la Bridget Jones dont je ne suis pas friand habituellement, mais qui passe ici très bien car il n’a d’autre public qu’Hana elle-même, et après tout, ne sommes-nous pas des voyeurs, à nous glisser dans l’intimité bazardesque d’une femme seule? On a droit à tout : les tas de linge sale, la quête de la petite culotte perdue, les courses au combini, etc…

Bizarrement, à la fin du 2ème volume, une sorte de tension s’est glissée dans toute cette douceur douceâtre et doucereuse : Hana n’est-elle pas, au fond, malheureuse? Quand elle file enfin rejoindre son mari au loin, elle a beau se persuader (la bouche pleine) que « Moi ze dit, le mariaze, z’est zuber » , je finis par la plaindre. Touchant et déroutant, parfois agaçant, voilà un manga complexe et adulte, faussement léger, que je recommande aux lecteurs et lectrices qui auront l’âge (ou approchant) de l’héroïne, pour se sentir concernés. Sinon, je ne sais pas si ça a un rapport, mais depuis, j’ai entamé un régime.

C’est par hasard que j’ai acheté Made in Heaven (comme souvent dans mes pérégrinations chez les soldeurs) et c’est assez vite que je l’ai lu. J’ai été intéressé par le pitch : deux one-shots qui constituent deux volets de la même intrigue, vues à travers le regard de leurs deux personnages principaux. L’histoire? une romance au ton dramatique, comme l’annoncent les couvertures : un couple d’amoureux enlacés mais au regard dans le vague, préoccupé. Kazemichi aurait dû mourir dans un accident, renversé par un camion. À son réveil à l’hôpital, on lui apprend qu’il a dormi plusieurs semaines, et il se rend compte que son corps est partiellement (?) artificiel… Devenu un genre d’homme bionique, il tente de reprendre une vie normale, mais devient encore plus taciturne et solitaire qu’avant. Il se retrouve pourtant embarqué dans une histoire d’amour passionnelle avec une jolie fille paumée, Juri, qui ne lui avoue pas son vrai travail : elle est profiler dans la police criminelle…

Vous l’aurez compris, Made in Heaven est un étrange hybride de josei et de seinen à intrigue policière, flirtant avec la science-fiction. C’est curieux à lire, l’ambiance est assez pesante, tendue, sinon désespérée (surtout dans sa première partie), et contraste fortement avec le dessin, typique josei, très stylisé avec ses successions de gros plans sur les visages, les filles et les garçons tous trop mignons, les planches complètement déstructurées, etc. Je suis presque séduit, je dis presque, parce qu’un peu agacé quand même, je sens bien l’effort d’originalité mais ça ne fait pas la personnalité, il manque quelque chose et je n’arrive pas à trouver quoi. Trop larmoyant pour être un thriller, ou trop dramatique pour faire une romance ? Reste que je n’ai pas détesté, hein. J’ai envie de dire « peux mieux faire », mais ça sonne prétentieux. Bref, si vous le trouvez d’occase, comme moi à très petit prix, allez-y, c’est une curiosité et peut-être que ça marchera plus avec vous qu’avec moi. Je serais intéressé de savoir ce que vous en dites.

Je garde le meilleur pour la fin, Sing « Yesterday » for me, de Kei Toume. Pas le meilleur de ma chronique, non, parce que j’ai à ce point aimé ce titre que je ne sais pas trop comment en parler. Une fois de plus, c’est par l’histoire et les personnages que j’ai été séduit. Bon le dessin n’est pas dégueu non plus, et j’aime bien Kei Toume d’une manière générale, même ses essais de jeunesse, comme Déviances, Zéro et Kurogane. J’aime Sing « Yesterday » parce que l’intrigue prend tout le temps nécessaire pour se mettre en place, sans précipitation ni raccourcis forcés, parce que si elle ne repose apparemment sur pas grand chose (un mec hésite entre deux filles très différentes, et s’interroge aussi sur son avenir professionnel), en fait j’y trouve une foultitude de choses qui me touchent et m’émeuvent, grâce à un sens du détail, du geste et du regard qui font vrai. Il se passe une alchimie (trop) rare entre les personnages et le lecteur que je suis, qui éprouve subitement de l’empathie pour eux, et qui a envie de savoir ce qui va leur arriver, parce que je leur suis désormais attaché. Je ressens ce pincement au cœur lorsque je ferme la dernière page, révélateur que quelque chose s’est passé. Le tome 7 est sorti en… 2010, et dire que le tome 8 ne sortira au mieux chez Delcourt que courant 2014 !

Je vous dois d’ailleurs un aveu : les filles que dessine Kei Toume sont parmi les plus jolies que j’ai vues. Shinako, avec son air timide et ses jolis sourcils est absolument craquante, et bien sûr que dire de Haru, la chipie vaguement goth aux mèches rebelles, que l’auteure se complaît à revêtir d’une tenue de maid lorsqu’elle devient serveuse dans un café… Haru est l’emblème de sa série, c’est elle qui est de toutes les couvertures, je trouve que Shinako aurait pu en avoir une aussi. Peut-être le tome 8? Ah, on me dit que non, les tomes 8 et 9 étant déjà sortis au Japon, on connaît leurs visuels… Et c’est encore Haru la gagnante. Tant pis, je ne vais pas faire mon blasé… De toutes façons, là n’est pas l’essentiel. Sing « Yesterday » m’a vraiment fait du bien, car il m’a aussi fait réfléchir sur pas mal de choses, bon, un peu trop perso pour que j’en parle ici ; du bien aussi par cette atmosphère douce et chaleureuse qu s’en dégage petit à petit, sans esbroufe, sans pathos ni exagération. Le quotidien peut être beau. C’est simple, j’aimerais bien avoir des amis comme Uozumi, Shinako et Haru. Peut-être que je les ai. Oui, ça doit être ça. Bon, il est 8 heures du mat, c’est le 11 décembre et il est temps de braver le froid pour aller en retrouver certains. Bises à vous.

(Je remercie Taifu et Komikku pour m’avoir proposé les deux premiers titres de cette sélection)

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12 252 Responses to Des mangas pour hiberner

  1. Tama says:

    Made in Heaven est un titre qui m’intéressait de longue date (et pas juste parce qu’il était vendu avec un bracelet) et j’ai réussi à le trouver en occaz’. C’est vrai que l’histoire est assez atypique et bien qu’on vende les deux volumes comme pouvant se lire indépendamment chacun, je ne vois pas vraiment l’un sans l’autre. Les deux se complètent. A ce propos, c’est cet aspect là qui m’avait séduit, le fait d’avoir le point de vue d’un perso différent pour chaque volume et qui permettait d’éclaircir certaines choses restées dans l’ombre dans chacun d’entre eux. D’ailleurs si on avait pas le volume 2 il n’y aurait pas vraiment résolution de l’enquête même si le lecteur sait déjà de quoi il retourne, ça aurait été frustrant.
    J’ai trouvé les personnages très monolithique dans leurs expressions mais vu l’aspect « robot » inclus dans l’histoire ça collait assez bien. Toute la réflexion-si l’on peut dire- autour de la robotique est intéressante, je pense surtout à ce passage en volume 2 où l’héroïne demande ce qu’il ressent de la mort à un robot ce qui lui provoque un bug ou une forme de thématique autour de la théorie sur la vallée dérangeante ou encore un aspect économique : entretenir Kazemichi mais le laisser tomber dès que son entretien coûte trop cher. Ceci dit ça reste une lecture simple, se ne sont pas des thématiques de ouf jamais vues traitées de manière innovante, on reste dans le domaine du josei. Mais ça sortait du lot.
    Je trouve aussi que le 1er dégage plus de mélancolie. Dans les josei, j’ai toujours l’impression de voir ce côté désabusé de la vie chez les personnages. Dans l’ensemble j’ai apprécie made in heaven.

    Pour les petits plats de Hana, j’ai été assez dérouté. J’ai même jeté un oeil au drama sans allez plus loin que quelques épisodes. La cuisine m’intéresse et je trouvais l’idée de ce manga intéressante parce que ça ne passe pas par la case trop livre de cuisine ludique. Mais je n’ai pas accroché plus que ça et je pense que j’ai du mal avec la personnalité de l’héroïne. Le côté sexuel prononcé, le fait d’avoir un orgasme à chaque bouché de pain -mouuuais pourquoi pas-, son côté niaise molle…je ne sais pas…

    Pour Candy, c’était…mignon. Des filles mignonnes (un peu cliché : la brune, la blonde, la sportive, la studieuse…) font des trucs mignons. Encore que je préfère ça à des yuri qui sont clairement à destination de personnes qui veulent se rincer l’oeil.

  2. Gemini says:

    « Hmm ! ce goût subtil de mayonnaise rôtie »
    => Cela me rappelle la fameuse morue à la mayonnaise à la fraise :P

    • Mackie says:

      en fait j’y ai goûté – pas à la morue aux fraises hein – mais à la mayonnaise rôtie. en Ukraine ils en tartinent le poulet avant de le mettre au four et c’est – hem – particulier. par souci de ne pas détruire mon couple, ma femme a promis de ne plus en faire :-D

  3. AngelMJ says:

    Sing « Yesterday » For Me? Mais quel homme goût!! ^^

    Je suis cette série depuis le début et je suis tout à fait d’accord lorsque tu parles d’empathie vis-à-vis des personnages. Je trouve Kei TOUME vraiment douée à ce niveau. Dommage que les tomes soient si espacés dans le temps, c’est rageant! Du coup, je les relis à chaque nouvelle sortie pour reprendre le fil de l’histoire et j’aime toujours autant :D

  4. Hiromichi says:

    Ahh, je suis mille fois d’accord pour Sing « Yesterday » For Me.
    Je le dis depuis toujours, un jour Kei Toume dominera le monde, mais bon personne ne veut me croire.
    Non je rigole, mais c’est vraiment une de mes mangakas favorites ! Et Sing « Yesterday » For Me est vraiment bien mais c’est trèèès long d’attendre mais au moins faut voir le côté positif, on se ruine moins~ ^^

    Il faut vraiment que je craque pour Candy ! Je lorgne dessus depuis sa sortie mais je n’ai pas encore eu l’occasion de l’acquérir, j’aime beaucoup le Yuri et comme je l’ai souvent lu que l’histoire était vraiment bien, je l’aurais un jour *u*

  5. Bidib says:

    Un manga culinaire, j’en avais envie. Alors j’ai guetté la sortie de Mes petits plats faciles, surtout que je trouve le dessin à croquer. Mais avant de l’acheter, j’ai voulu lire la préview et… la mayonnaise rôtie m’a, comment dire, refroidie ! Depuis je n’arrête pas de me dire que je devrait donner un chance à se manga mais je n’arrive pas à sauter le pas. Auras-tu réussi à me convaincre ? Verdict à ma prochaine sortie en librairie.

    Pour ce qui est de Sing « Yesterday » for me. Je viens de lire le premier tome, et pour l’instant je ne partage pas vraiment ton avis. J’aime beaucoup le travail de Kei Toume, surtout ces personnages. Et ici, j’ai été un peu déçue. Les personnages sont attachants et aurais pu être intéressant, mais l’intrigue autour d’histoires d’amour une banalité accablante est absolument sans intérêt. Du moins dans le premier tome. Je trouve

  6. Méta says:

    Comme beaucoup, je partage ton avis sur Sing Yesterday for Me. Kei Toume est une artiste dont les histoires nous emmène dans un autre monde (pour preuve, Les Lamentations de l’Agneau). Tranche de vie, tranche de fraicheur, de sentiments et de bonheur.

    Dommage que les tomes sortent si lentement. On en mangerait jusqu’à plus soif :)

  7. Karine says:

    Merci pour cet article, je vais grâce à lui et aux commentaires, me commander les premiers tomes de Sing Yesterday for Me ^^

  8. clément says:

    Je cherche kurogane 2 en français depuis 2 ans aidé moi s’il-vous-plaît je laisse mon e-mail:

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