Serial Experiments Lain
de Ryutaro Nakamura
design : Yoshitoshi ABe
1998
L’histoire :
Lain est une ado timide de 14 ans, qui à l’air d’en avoir 12. Elle est coincée entre une famille qui ne s’intéresse pas à elle (un père absent, une mère apathique et une grande soeur qui a sa propre vie) et l’école où elle a peu d’amies. Seule Alice, une grande fille souriante et équilibrée lui apporte un peu de l’affection dont elle manque.
La vie de Lain bascule le jour où elle reçoit un mail de Chisa, une élève qu’elle connaît à peine. Et qui vient de se suicider en se jetant d’un pont. Dans ce message, elle explique qu’elle n’est pas morte, qu’elle a juste quitté son corps pour rejoindre Dieu, qu’elle a rencontré sur le réseau appelé wired…
Dès lors, Lain n’a plus qu’une seule obsession : explorer le wired, où elle découvre peu à peu d’autres faces de sa propre personnalité, jusqu’à risquer sa vie, son âme, son identité. Et la question, alors, n’est plus : qu’est-ce que le wired? mais : qui est Lain?
Ce que j’en pense :
Vous aimez le cyberpunk? les films de fantômes genre Ring? les délires à la Matrix? Akira? Perfect Blue? vous aimerez Serial Experiments Lain.
Serial Experiments Lain est une série paradoxale :
- apparemment complexe (les premiers épisodes partent dans tous les sens) l’intrigue est finalement toute simple (les trois derniers épisodes apportent les explications) ;
- derrière un design épuré, une animation minimaliste, une action qui avance lentement et une répétition volontaire des scènes, le tout produisant au spectateur une impression hypnotique, se cache une vraie richesse visuelle, pleine de détails signifiants et de messages subliminaux.
En fait, Serial Experiments Lain fonctionne selon un schéma classique :
- d’abord, perdre le spectateur en multipliant les (apparentes) fausses pistes, ou en détournant son attention,
- ensuite, le reprendre par la main, et lui proposer la révélation finale en récompense de ses efforts.
Révélation qui ne donne pas toute les explications non plus, laissant planer assez de zones d’ombre pour laisser travailler l’imagination du spectateur. Un peu comme la toute fin de End of Evangelion.
Attention : ce n’est pas pour autant une série « prise de tête » ou réservée aux « intellos ». Bien au contraire. C’est une série à vivre, où s’immerger, pour éprouver la montée de l’angoisse ou de l’hallucination, comme dans un train fantôme (en un peu plus long). C’est une série qui ouvre au rêve, à l’imagination, à la contemplation. Une série qui ne se vit pas intellectuellement, mais émotionnellement. Où toutes les choses ne sont pas dites, mais exprimées pour être ressenties.
Ceci, d’autant que certains plans sont de toute beauté. Le design, comme l’animation, sont épurés, à la limite de l’abstraction. Les décors se limitent à quelques lieux, toujours les mêmes : chambre, maison, rue, train, cour d’école, classe, rue, nightclub, retour à la maison. Ils sont travaillés avec la plus grande simplicité possible ; et une obsession visuelle pour les lignes électriques, les poteaux, les caténaires.
Cet enfermement progressif illustre la sensation d’étouffement, d’angoisse de Lain, par contraste avec le wired qui est une espace de liberté où tout est possible.
Le chara design des personnages est simplifié, jusqu’à l’épure, mais les transformations du visage de Lain en fonction de son changement de « personnalité » sont assez marquantes et bien vues. Les scènes où elle est « elle-même » montrent une jeune fille mignonne et simple, un rien décalée avec ses vêtements hors mode, sa natte sur le côté gauche et son bonnet en toute saison.
Les thèmes abordés sont nombreux, et ajoutent à l’apparente complexité de l’anime. Thèmes de l’adolescence solitaire, de la solitude urbaine des individus, de l’incommunicabilité, de la schizophrénie, de l’addiction aux drogues, de l’addiction au web, des otakus, de la religion, du suicide… Cela fait beaucoup, mais c’est abordé avec sensibilité et une certaine pudeur.
J’ai donc apprécié Serial Experiments Lain, bien que j’admette qu’il puisse profondément déplaire :
- à ceux qui préfèrent la rapidité à la lenteur
- à ceux qui ont besoin de certitudes plutôt que de non-dits
- à ceux qui n’aiment pas se faire mener en bateau…
Je recommande donc de le regarder avec patience, et en prenant le temps, l’esprit ouvert, comme pour un voyage, où tout reste à découvrir. Comme tout voyage, en train ou bateau, certains trajets peuvent paraître longs, mais à l’arrivée, on est récompensé…
Bonus : le très bel opening de Lain, avec Duvet, la chanson du groupe anglais Boâ :
Je te recommande de regarder Haibane Renmei (si ce n’est déjà fait) suite à la lecture de ton article.
Je ne suis pas surpris que la série t’ai inspiré
Et bien c’est fait, et tu avais raison de me conseiller Haibane Renmei… j’ai beaucoup aimé, et j’en parle sur le blog.
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Tout cela est bien intriguant et les analogies avec Perfect Blue et Akira ( deux de mes films cultes ) renforce mon envie. A rajouter aux animés à voir d’urgence , Pourtant je l’ai acheté en DVD il y’a plus de six mois ( je prend mon temps ! ).
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