Family Compo
de Tsukasa Hojo
Shueisha, 1996-2000
Tonkam, 1999-2002 (14 volumes)
Panini, 2010-2012 (rééd. « Deluxe » en 12 volumes)
L’histoire :
Giba, 19 ans, est habitué à la solitude : fils unique, il a perdu sa mère quand il n’avait que 6 ans, et son père, qui n’était guère présent, meurt subitement au début de l’histoire. Grande est sa stupeur quand il se voit proposer d’emménager chez les Wakanaé, la famille de son oncle et de sa tante, dont il ignorait l’existence. D’abord réticent, il est conquis par leur gentillesse, leur accueil chaleureux, et par le charme de sa jeune cousine, Shion, auquel il n’est pas indifférent. Il accepte de s’installer chez eux. Mais pourquoi ne les connaissait-ils pas déjà? Quel secret de famille Yukari Wakanaé, sa « tante », et Sora Wakanaé, son « oncle », dissimulent-ils? Giba n’est qu’au début de ses surprises…
Ce que j’en pense :
Family Compo est la troisième série importante de Tsukasa Hojo, après Cat’s Eyes, puis City Hunter (Nicky Larson dans sa première adaptation française animée), et juste avant Angel Heart. Initialement publiée chez nous par Tonkam entre 1999 et 2002, sa commercialisation avait été stoppée, suite au rachat par Panini de toutes les licences de l’auteur. Panini ayant donné la priorité à une réédition de City Hunter, qui a duré de 2005 à 2010, Family Compo est longtemps restée quasi introuvable, jusqu’à la réédition fin 2010, mi 2012. Je m’étais résolu à acquérir cette version « Deluxe » un de ces jours, quand l’occasion se présenterait, vu le prix. Le hasard faisant parfois très bien les choses, j’ai eu la chance de tomber sur la série complète de Family Compo, édition Tonkam, à un prix symbolique, dans les bacs d’un brocanteur. Et je peux vous le dire directement : c’est une des meilleures comédies que j’ai lues depuis des mois.
Une comédie est selon moi réussie lorsqu’elle parvient à faire rire d’un sujet difficile. Et il ne vous aura pas échappé, je pense, que ces dernières semaines auront été marquées par la controverse sur le mariage pour tous et l’égalité des droits. Je n’ose appeler cela un « débat » tant les postures et les arguments de certains auront été rétrogrades. Dans un tel contexte, la lecture de Family Compo devrait être obligatoire dans les collèges et les lycées, dans les rangs de l’Assemblée Nationale et à la sortie des églises. Car voilà une histoire dont le message est clair : en prenant pour cadre une famille où les parents sont tous les deux des travestis, Family Compo explose un à un tous les clichés sur l’amour, l’éducation et l’harmonie familiale.
Je ne suis pas sûr que Tsukasa Hojo avait pour intention d’écrire une œuvre militant pour l’égalité des droits. D’ailleurs il n’est pas totalement clair sur la question : le couple Sora/Yukari n’est pas un couple homosexuel, un homme avec un homme ni une femme avec une femme, il s’agit bien de deux parents de sexes opposés ayant conçu ensemble une fille, Shion. Et quand ils adoptent Giba, leur neveu, la démarche est tout ce qu’il y a de naturel. Là où ça se complique, c’est qu’assumant leur identité sexuelle, ils doivent assumer le regard des autres, symbolisé par Giba lui-même, qui débarque chez eux avec sa vision traditionnelle de la normalité. Et si, comédie oblige, l’intrigue multiplie les quiproquos (pas toujours très fins) sur le thème du travestissement, elle montre en filigrane que la normalité n’est qu’une question de point de vue. La comédie place les personnages dans des situations de crise, les mettant au révélateur des relations et des sentiments, qui, eux, sont universels : l’amour, la famille, l’attachement, le respect, la transmission des valeurs. Et finalement, derrière tout cela, la question de l’identité sexuelle est ramenée à ce qu’elle ne devrait jamais cesser d’être : essentielle dans le cadre intime, anecdotique partout ailleurs.
Sur 14 volumes, un tel sujet pourrait vite devenir répétitif, sinon lourd, mais Family Compo réussit à soutenir l’intérêt grâce aux personnages, particulièrement bien campés. Certains, qui à première vue apparaissent caricaturaux – comme Tatsumi, le yakuza amoureux, ou bien Makoto, Hiromi, Kazuko et Susumi, les quatre assistantes d’oncle Sora (qui est mangaka), se révèlent bien plus complexes à mesure que se développent les histoires secondaires les mettant en scène (mention spéciale à Kazuko, la travestie « hommasse », qui a droit à un épisode spécial, particulièrement poignant). Même Yoko, l’apprentie dessinatrice qui devient la petite amie de Giba, au début assez fade, fait sa mue au contact de la famille Wakanaé. Le plus révélateur est encore Giba lui-même. Au début ado coincé et conventionnel, il va forger sa personnalité et sa virilité en faisant l’expérience… de sa propre féminité. Tout ce petit monde est dominé par les figures puissantes et émouvantes de Sora et de Yukari, qui ont su soutenir le regard désapprobateur de leurs propres parents, de leurs milieux professionnels, bref, de la société tout entière, sans fléchir, sans dévier de leur but : s’aimer, fonder une famille et élever leurs enfants. Qu’y a-t-il de plus héroïque dans une vie?
Pour l’anecdote, Family Compo aborde de façon secondaire le quotidien d’un mangaka, en la personne de Sora, avec ses assistantes, bien avant Bakuman. De nombreuses scènes les montrent en train de dessiner, parfois aux prises avec leur éditrice, madame Mori. Et il est piquant d’imaginer que Sora est, au moins sur ce plan, un peu Tsukasa Hojo lui-même.
En osant toutes les transgressions, sans autre prétention que celle de faire sourire, Family Compo convainc bien plus que des longs discours. Avis définitif du newbie : pour tout public, à lire absolument.
Rah, salaud, un jour il faudra que tu m’expliques comment tu fais pour trouver tous ces bijoux à des prix défiants toute concurrence. Tu as certainement payé moins cher l’intégrale que moi le dernier volume (j’ai cassé ma tirelire puisqu’il s’agissait du seul qui me manquait).
Que dire, sinon qu’il s’agit d’un de mes manga favoris ? Il y a tout dedans : de bons personnages, de l’humour, de l’émotion,… C’est normal que les deux protagonistes les plus féminins soient Yukari et Masami ?
Par contre, il y a effectivement un argument que pourraient reprendre les anti-mariage pour tous : la pauvre Shion est complètement perturbée, à tel point que Masahiko passera 14 tomes à se demander s’il a une cousine ou un cousin. Paradoxalement, l’union de ses parents est totalement légale, puisqu’ils sont de sexe opposé XD
pour les trouvailles, c’est le hasard des dépôts-vente, par chez moi il y en a quelques uns où le prix d’un manga d’occase ne dépasse que rarement les 2€ pièce. mais faut passer souvent, les bonnes affaires restent rarement
En tout cas, ta technique paye. Si tu savais comment j’ai récupéré les miens… J’en ai trouvé deux dans le magasin de manga le moins fréquenté de Lyon – c’était en 2005 et les prix étaient encore affichés en francs – quelques-uns dans une librairie d’occasions, j’ai déclenché mon réseau d’amis à travers la France et la Belgique (j’en ai profité pour trouver les histoires courtes de l’auteur), et à la fin, j’ai pris le dernier volume sur ebay à un prix scandaleux.
Si tu as apprécié Family Compo – ce qui me semble être le cas, si j’ose dire – je te conseille de faire attention aux sorties Ki-oon. L’éditeur a récupéré les droits pour les séries courtes de l’auteur, c’est-à-dire Sous un Rayon de Soleil (3 tomes), Rash!! (2 tomes), La Mélodie de Jenny (1 tome), Le Cadeau de l’Ange (1 tome), et Le Temps des Cerisiers (1 tome). Si tu ne les trouves pas d’ici-là dans leur ancienne édition Tonkam, je ne saurais que trop te les conseiller, je pense que tu devrais les aimer. J’ai un faible pour Rash!!, sorte de City Hunter au féminin ; l’histoire d’une femme médecin qui bosse dans une prison, mais qui a une façon très personnelle de traiter ses patients.
Petite précision, le héros ne s’appelle pas Giba mais Masahiko Yanagiba. Je ne me rappelle pas avoir lu quiconque l’appeler autrement que « Masahiko » dans le manga, mais j’ai lu la réédition Panini ceci dit.
Sinon bien entendu c’est une très bonne série, dont la lecture permettrait à certains de sortir de leur petit monde et de ses certitudes.
Masahiko Yanagiba, oui, pour le nom complet. Giba, c’est son surnom, donné par ses amis (et notamment Yoko au début). En famille il se fait plutôt appeler Masahiko. Et bien sûr, il y a les fois où il se fait appeler Masami, mais…
je tiens à rectifier quelque chose qui me herisse le poil…
tsukasa hojo as précisé à l’époque de la sortie de F.compo qu’il ne s’agissait pas du tout d’une histoire sur l’homosexualité mais bien du thème des travestis qui etait traité …
alors mélanger les choses avec le débat actuel n’a pas sa place…
quoi qu’il en soit bonne lecture …