Les interviews du newbie : Isabel Asunsolo, fondatrice des éditions l’Iroli

Il y a les interviews qu’on fait pour coller à l’actualité, pour rencontrer les personnalités qui comptent, celles dont on parle, promo oblige. C’est flatteur. Et puis il y a les interviews qu’on fait parce qu’on en ressent vraiment l’envie. Peut-être même le besoin. Ça tombe bien, Isabel Asunsolo n’est pas une vedette, mais j’avais très envie de la rencontrer tant son travail mérite d’être mis en avant. Pour la présenter en quelques mots : poétesse, éditrice, fondatrice en 2004 dans sa région de Picardie des éditions l’Iroli, maison qu’elle porte aujourd’hui encore à bouts de bras. Initiée par l’ami Christophe Jubien, la rencontre à eu lieu au Salon du livre, avec cette femme dont je ne vais pas louer les qualités humaines, car vous allez vite les comprendre en découvrant son parcours. En tout cas je l’espère.  Et puis l’essentiel, c’est que vous lisiez, comme moi, à votre tour, des haïkus. Plein. Ceux édités à l’Iroli, par exemple.

Isabel, bonjour. Comment êtes-vous venue à ce projet unique, créer une maison d’édition spécialisée dans le haïku et la micro-nouvelle?
Bonjour Mackie ! Au début, je ne savais pas vers où je me dirigeais, si ce n’est que j’aimais la poésie, que je m’étais remise à en relire, et à en écrire également suite à une rencontre dans l’Oise avec les Adex, éditeur associatif en Valois. J’ai participé à leurs travaux et ce sont eux qui m’ont mis cette puce à l’oreille, donné envie de m’intéresser à la poésie, ce qui a abouti ensuite à ce projet professionnel. C’est en avril 2004 que j’ai découvert le haïku, dans un salon du livre à Chantilly, auquel participaient les Adex, qui m’avaient invitée pour lire mes poèmes d’un petit recueil intitulé les Marmotades (note : en cours de réimpression à l’Iroli). Il y avait un stand où j’ai rencontré Thierry Cazals, et un autre de l’Association Francophone de Haïku, avec Dominique Chipot son président de l’époque. Cette découverte m’a foudroyée ! J’ai été très touchée par cette concision , par cette recherche de l’essentiel, cette absence de bavardage inutile… Alors est-ce parce que j’ai une formation scientifique que j’aime ce qui est précis, concret, non délayé? Toujours est-il qu’entre le haïku et moi il y a eu comme une affinité. Dès lors, j’ai lu, j’ai lu, j’ai lu des haïkus japonais traditionnels, notamment les anthologies de Poésie Gallimard (traduits par Corinne Atlan et Zeno Bianu). Et j’ai décidé d’en publier, naturellement.

Naturellement? Devenir éditrice n’est pas si naturel, cela signifie quand même d’aller à la rencontre des poètes, des haijin?
Il existe un réseau de haijin, d’abord via l’AFH, l’Association Francophone de Haiku. On se connaît, on se retrouve lors de différents évènements, et aussi sur la toile, ce qui m’a permis de rencontrer des voix intéressantes, en cherchant sur internet, sur des forums et des listes de diffusion. J’ai ainsi rencontré André Cayrel, avec qui j’ai écrit Figues, un recueil sur les souvenirs, autour des figues, qu’elles soient du nord ou du sud, vertes ou mauves… C’était de l’auto-édition. C’est amusant, parce que parallèlement j’ai publié un livre qui s’appelle Je marche seule, de Françoise Jaussaud, c’est ma maman, qui raconte sous forme d’abécédaire ses aventures en montagne, car c’est une grande passionnée de marche solitaire. Elle cherchait un éditeur, et moi je devenais éditrice… Nous nous sommes retrouvées sur ce projet commun.

Est-ce facile de travailler avec sa mère?
J’ai trouvé cela très intéressant, car cela fixait des limites assez précises à notre relation. D’un autre côté elle n’a jamais voulu signer de contrat d’édition avec moi. Elle voulait garder cette liberté, ne pas se plier aux règles administratives, c’est amusant. Ce qui n’a pas empêché que je lui verse des droits d’auteurs ! (rires) Curieusement, ce livre qui parle de marche solitaire, avait un sens dans ma démarche d’éditrice. Ça aussi, ça m’a menée au haïku. Et ma mère aussi. Paquita, c’est son surnom, passe toujours deux semaines sur quatre en montagne, seule à marcher, et elle écrit des haïkus. Ils sont très beaux.

Au fait l’Iroli, qu’est-ce que ça signifie? On peut y entendre plusieurs choses : lire au lit, l’ironie… ou peut-être le nom d’un oiseau imaginaire?
L’ironie? je n’y avais pas pensé… je suis nulle en ironie, je ne la pratique pas, même si des fois pourtant ça m’arrangerait bien ! Un oiseau, oui pourquoi pas? Un oiseau-lyre, alors… En fait, l’Iroli, c’est bien « lire au lit », lire couché. Cela fait référence à mon adolescence, où j’étais malade, je restais à la maison une semaine sur deux, et ce que j’ai trouvé de mieux à faire pendant ce temps c’était de lire. Zola tout d’abord. C’est à cause de La Terre que j’ai eu envie de faire des études d’ingénieur agricole… Et puis Colette. Je l’ai lue avec délectation. J’y trouvais déjà ce qui me séduit aujourd’hui dans le haïku : le goût du détail sensoriel, le rapport à la nature, l’amour des chats, des oiseaux… Je trouve chez Colette ce refus des idées générales, elle s’intéresse au vécu, au concret. Je crois que je ne l’ai jamais dit avant, mais, oui, c’est sur ce terreau qu’a germé quelque chose, qui plus tard est devenue ma passion du haïku.

L’Iroli a deux cordes à son arc, deux pages à son catalogue : il y a les haïkus, mais aussi les micro-nouvelles…
Les micro-nouvelles sont venues assez vite au bout d’un an d’édition, via un concours d’écriture, organisé pour faire connaître l’Iroli, mais aussi pour rencontrer des auteurs. Avant les haïku, j’aimais, et j’aime toujours, lire des nouvelles. C’est comme ça par exemple que j’ai rencontré Pierrick Bourgault, dont j’ai publié D’amour et de vins nouveaux, ce sont des petites nouvelles qui constituent une sorte de roman. Ensuite, c’est vrai, j’ai un peu délaissé ce genre, surtout parce que j’ai beaucoup de mal à faire des livres avec un seul auteur. Je préfère le collectif, ce qui me permet de faire venir des jeunes, de lire des choses très différentes… En 2010, le concours est devenu le Prix de la Micro-nouvelle et du Haïbun – le haïbun est un genre entre la prose et le haïku. C’est aussi parce que l’Iroli se concentre surtout sur le haïku aujourd’hui. J’ignore de quoi est fait l’avenir, mais c’est là que se trouve ma voie en ce moment présent.

Les micro-nouvelles, qu’est-ce que c’est exactement?
Il n’y a pas de définition. Elle devrait faire quelques lignes, on l’a appelée « micro » mais on devrait dire « mini » parce que les textes ont maximum 575 mots (clin d’oeil au haïku, qui doit faire 5, 7 et 5 syllabes), ce qui équivaut à une page. La micro-nouvelle est un genre qui a pris dans notre petit hameau de Plouy-Saint-Lucien (à côté de Beauvais), où nous faisons tous les deux ans un festival, avec l’association Lirécrire, où nous remettons le prix. La prochaine édition sera en 2014, amis lecteurs, vous y êtes les bienvenus !

A propos de projets en cours, pouvez-vous nous parler du haïku à l’école?
Oui, en fait on m’appelle parfois à intervenir dans des écoles, des collèges, pour des ateliers d’écriture, car le haïku est très accessible, même pour les enfants n’ayant pas l’habitude d’écrire. Quelques mots suffisent, issus d’une observation concrète, ce que je trouve très adapté pour des enfants. Du coup est venue l’idée de faire un appel à textes, sur le thème de l’école, sujet qui m’intéresse depuis quelques années, et qui intéresse l’AFH. Nous avons donc pensé qu’il serait bon de réunir des textes d’enfants, et d’adultes aussi, sur les souvenirs, les expériences, l’école, la cour de récré, les enseignants etc… C’est un thème universel. Je pense à mon vieil ami Jean-Claude Bardot, poète beauvaisien, il n’a écrit que deux haikus dans sa vie, mais je vais les lire :
Leçon de grammaire
Un flocon de neige
Virevolte dehors
Ce haïku, quand les enfants l’entendent, ils pensent que le narrateur est forcément un enfant, alors que c’est le professeur qui donne la leçon… Il y a le flocon de neige, l’idée de légèreté, et l’opposition dedans/dehors… L’autre haïku, que j’aime beaucoup, dit :
Le vieil instituteur
Son tableau noir
La nuit
Ce texte ne correspond pas au haïku traditionnel, il n’en respecte pas les règles, mais il a eu cette image, une nuit d’insomnie, il était institueur il y a très longtemps…

Vous avez souligné l’esprit collectif des éditions de l’Iroli.
Oui. L’Iroli, je dirais que les mots clés sont : bref, collectif et poétique. Nous avons ces recueils de haïkus qui réunissent chacun 88 auteurs, 108 pour le prochain à paraître (intitulé Haïkool) ; et nous avons aussi plusieurs recueils à deux auteurs, comme la Volière vide, de Thierry Cazals et Vincent Delfosse. Ou Sur la pointe des pieds, de Damien Gabriels et Paul de Maricourt. J’aime l’idée que leurs voix se mêlent, se répondent. Ils n’ont pas écrit l’un avec l’autre, c’est moi qui les ai réunis et travaillé sur ma table de cuisine pour les mélanger, jusqu’à ce que je voie qu’ils fonctionnent ensemble. Le livre prend d’autant plus de sens et de valeur qu’il a été concocté par cette voix tierce, qui est celle de l’éditeur. Je trouve qu’ils ont plus de relief. Je trouve triste qu’un livre soit d’un seul auteur… J’ai là, dans la main, le livre de Jean-Claude Bardot, Poèmes au Tournesol. Il est seul dans son livre. Son livre est beau, mais je trouve qu’il serait plus beau encore s’il était accompagné. Dans la Volière vide, l’un des auteurs est prématurément décédé (Vincent Delfosse), et bien le livre est vivant, car l’autre auteur l’accompagne. Et je ne parle pas des occasions de rencontres que cela occasionne : les échanges, les dédicaces… Si, dans un salon, un auteur est absent, et bien l’autre est présent !

C’est stimulant, j’imagine, pour les auteurs.
Oui, c’est très stimulant. Je citerais pour exemple une exception à notre catalogue : un roman, que nous avons écrit… à plusieurs, le Rayon du bas. Nous sommes quatre femmes à y avoir travaillé une année, dans le cadre d’un atelier d’écriture qui a bien marché… C’est en cela que l’aventure est extraordinaire : toute seule, aucune de nous quatre ne serait allée jusqu’au bout. C’est évident. Mais le fait d’arriver à un terme, un livre dont nous serions fières, et qui nous relierait – du verbe relier, d’ailleurs, mot qui n’est pas innocent chez une éditrice… Créer un trait d’union, c’est vraiment ça qui me branche. J’aime donner envie. Même mon mari s’est mis à écrire des haïkus !

Pourquoi « même » ?
Haha, très bonne question ! (rires) Mon mari, Eric Hellal (c’est un pseudonyme) est ingénieur, il travaillait alors dans la gestion d’une grande entreprise : quelqu’un qui passait son temps à faire des tableaux, des budgets et compagnie. Moi qui me croyait ouverte d’esprit, je ne le voyais pas écrire un jour. Il m’a fait cette belle surprise de se mettre à écrire, d’abord à mon insu, il publiait ses textes sur internet et quand je les lisais, je les aimais, sans savoir que c’était lui ! Il m’a fallu un an pour m’en rendre compte. Ce fut une belle surprise, très amusante… Je crois que ça nous manquait, et ça nous a réunis sur autre chose que la vie de couple, que les enfants etc.  En fait, c’est venu d’une lettre que je lui avait écrite, qui disait : « regarde la vie à la façon haïku » et lui, il s’est investi à fond là-dedans ! Et oui, écrire est essentiel pour moi. J’ai des correspondances avec des amis poètes, écrites à la main, chaque semaine, écrire, c’est une relation très forte.

Tout-à-l’heure, vous évoquiez les recueils de 88 poèmes. Il y en a plusieurs comme cela : La lune dans les cheveux, La rumeur du coffre à jouets, Le bleu du martin-pêcheur… Pourquoi 88?
Hmm, oui pourquoi? (Sourire malicieux) Le nombre 8, c’est le symbole de l’infini. Et puis… (rires) Ah oui, ça je ne l’ai jamais dit encore ! Je me suis fiancée le 8/8/88 à 8 heures du matin, sur le pont de Brooklyn ! Voilà… Et comme le prochain recueil fera 108 pages, 108 c’est le nombre de perles d’un mâlâ, le chapelet bouddhiste.

Parlez-nous un peu du recueil les Herbes m’appellent. C’est un projet un peu à part, avec des auteurs japonais. Comment cela c’est passé?
Niji Fuyuno et Ryu Yotsuya sont des amis de Thierry Cazals. C’est lui qui m’a présenté le projet de publier leurs haïkus, que j’ai trouvé très intéressant, car leurs textes sont très singuliers dans le haïku contemporain. Venant d’auteurs japonais, et par surcroît traduits en français par eux-mêmes, ces textes prennent une saveur surprenante. Nous avons choisi une édition bilingue, accompagnée des textes explicatifs de très grande qualité de Thierry, qui permettent d’en comprendre le contexte. C’est un livre très littéraire, un peu pointu, mais que je recommande à celui qui veut approfondir sa connaissance du haïku. On y trouve des thèmes récurrents, comme celui des mains :
La main brûlante
Frappe à la porte
Pour déclarer son amour
Ou encore :
Ah la main qui brûle
Ah moi qui brûle
Écoutons tous les sons de ce monde
Le thème de la brûlure est très important également. Est-ce à cause des catastrophes qui ont frappé le Japon ? Ou est-ce à cause de la maladie de Niji (note : décédée en 2002) ? Toujours est-il que ça part d’une expérience sensorielle pour aboutir à un monde à la limite du surréalisme. Thierry saurait mieux l’expliquer que moi. Je le cite : « Telles une flamme donnant naissance à une autre flamme, les mains transmettent leur secret. Dans cette confidence brûlante, quelque chose se dit au-delà des mots. La parole est ici comme une caresse. Un partage muet. Un pont suspendu entre les deux rives de l’éternité. » Les commentaires de Thierry sont tout aussi beaux que les haïkus qui composent les Herbes m’appellent

La poésie du haïku est-elle dans le haïku lui-même, ou dans ce qu’il fait naître chez le lecteur ou l’auditeur?
Je considère que le haïku génère une aura que le lecteur attentif peut capter. À première vue, les haïkus ont l’air un peu secs, abrupts, presque pas poétiques. Ils peuvent rebuter certains amateurs de poésie. C’est par une lecture assidue que le lecteur arrive à recréer la poésie du haïku. Je suis très frappée par les allusions au corps, aux choses concrètes, aux choses triviales parfois… Je comprends que cela peut dérouter au début. J’ai écrit un haïku la semaine dernière, qui dit :
Je lis un poème
Je sens se soulever sous mes fesses
Le matelas anti-escarres
Le haïku manque parfois de pudeur !

Christophe Jubien me disait que le poète Issa avait écrit sur l’art de pisser dans la neige…
C’est très mignon, car quel garçon n’a pas pissé dans la neige? C’est quelque chose de très naturel. C’est bizarre pour celui qui découvre le haïku, mais il faut se rappeler qu’au départ, le haïku se veut facétieux, voire comique. Le terme même haïku est la contraction de haïkaï (amusement) et de hokku (court). Issa a écrit sur les piqûres de puces, qu’il ne veut pas tuer, alors il demande au moineau de venir les picorer… Il y a ce côté à la fois rigolo, et en même temps bienveillant à l’égard de la nature. J’apprécie cela, j’ai élevé mes trois enfants dans cet esprit. Ne jamais écraser une fourmi… Il y a un poète dont j’ai oublié le nom qui a écrit :
Ah les yeux
Le regard de mes trois enfants
Quand j’écrase la fourmi

Cette attention aux petites choses est propre au haïku.
C’est cela. Ce sont les petites choses qui rendent la vie précieuse. Je lis à l’instant un texte de Damien Gabriels :
Plage d’automne
Le vent feuillète une revue
Page à page
Je pense à cet autre haïku où une aiguille de pin tombe dans le livre et devient un signet… Nous avons l’amour du livre de papier. Cet un objet que l’on touche, même si nous utilisons maintenant internet, d’ailleurs le texto est propice à la transmission du haïku ! Mais le livre reste, pour nous auteurs, un rêve qui se réalise.

Comment bien débuter avec le haïku? Cela peut être un peu intimidant, quand on ne connaît pas trop…
Il faut commencer par lire les classiques, comme Issa. Je pense au livre de Maurice Coyaud, Fourmis sans ombre (Phébus) qui rassemble des textes par thèmes, c’est une formidable introduction au haïku. D’ailleurs je recommande toujours de commencer par lire des textes de poètes japonais. Bashô, Issa, Shiki, Ryokan, ce sont eux qui nous ont tout appris. Et puis la poétesse Chiyo Ni, (18ème siècle), qui dit par exemple :
Je bois à la source
Oubliant que je porte
Du rouge aux lèvres
Ça pourrait être un poème d’aujourd’hui. Le haïku nous touche au-delà des siècles. Je conseille d’ailleurs un recueil paru à la Table Ronde, Du rouge aux lèvres, justement. Ce sont des textes de poétesses de toutes les époques, en édition bilingue française et japonaise, abordant des thèmes aussi variés que la féminité, la maternité, la maladie, mais peu de poèmes amoureux. Le haïku est peu propice au sentiment amoureux, car par sa forme et son inspiration il cache les sentiments plutôt qu’il ne les révèle. Ce qui en fait d’ailleurs aussi l’intérêt, peut-être. Une fois qu’on a lu les classiques, on peut se lancer soi-même, en s’inspirant de ce que l’on a sous les yeux, devant sa fenêtre, en écoutant des sons… Faire ses retrouvailles avec la vie quotidienne, et avec soi-même. Vivre la vie avec une intensité, une portée nouvelles, ce qui pour moi n’est pas éloigné d’une certaine spiritualité. Je trouve que dans la reconnaissance des petites choses, de ce qui est, il y a matière à dire merci. Le haïku étant d’origine à la fois bouddhiste, taoïste et shintoïste, il permet d’aller à la rencontre d’autre formes de spiritualité. Après, c’est chacun selon sa vision, on peut le vivre dans la spiritualité, d’autres auteurs vont au contraire insister sur son aspect matériel. Moi je trouve que le haïku forme un pont avec… autre chose, d’intangible !

Revenons alors à des choses matérialistes… Éditrice, ce n’est pas un métier tous les jours facile. Peut-on en vivre en éditant des haïkus?
C’est très difficile de vivre de cela, c’est-à-dire de dégager un salaire avec ce métier de petit éditeur, qui s’autodistribue, par choix. J’ai bien essayé la diffusion de mes ouvrages par des professionnels, mais cela n’a pas fonctionné. Nous préférons rester petits, et bien connaître la quarantaine, cinquantaine de libraires avec qui nous travaillons. Connaître leurs prénoms, pour moi c’est important. Toujours cette idée du lien. Dans ce cadre, se dégager un salaire est très délicat. Je gagne ma vie en parallèle, à travers mes animations d’ateliers d’écriture, mes interventions en bibliothèques et en milieu scolaire. L’un dans l’autre, ça permet de continuer ce projet. C’est ma priorité : durer. Il faut beaucoup d’énergie pour rester fidèle à ce que l’on aime. C’est utopique, mais passionnant… On rencontre des gens super !

Y a-t-il d’autres maisons comme l’Iroli, qui éditent principalement des haïkus?
Je pense aux éditions Erès, à Toulouse, dirigées par Danièle Faugeras, qui en font… et les éditions La Part Commune, du regretté Yves Landrein, avec les très beaux textes de Soizic Michelot… Bon, tous les grands éditeurs, qui ont une collection de poésie, publient des recueils de haïkus. Bien sûr Gallimard, La Table Ronde… Je pense que tous les poètes s’essayent au haïku à un moment de leur vie. J’ai noué depuis quelques temps des liens avec des poètes espagnols, c’est ma langue natale, c’est important pour moi de créer ce lien par delà les frontières.

C’est une constante chez l’Iroli : les éditions multilingues.
Oui. Nous sommes allés loin dans ce domaine, le prochain à paraître sera en six langues ! Un projet fou, presque trop risqué. D’habitude, nos livres sont en trois langues, français espagnol et anglais la plupart ; Haïkool, consacré au haïku humoristique, y ajoute l’allemand, le flamand et le picard ! Je ne pense pas que je recommencerai une telle expérience, aussi épique. Ce fut de la haute voltige, avec des traducteurs adorables et minutieux, mais l’humour est difficile à traduire, ce qui est comique dans une langue ne l’est pas forcément dans une autre… J’ai battu mon record du nombre d’heures travaillées sur un seul livre. Il a reçu heureusement le soutien de la Région Picardie. Le lancement se fera le 8 juin prochain, au marché de la poésie place Saint-Sulpice à Paris.

J’ai oublié de dire, que quand on regarde cette table, tous ces livres sont si jolis à regarder…
Merci ! Pour nous, chaque livre doit être unique. Nous avons toujours voulu que chaque livre ait sa propre identité visuelle. Evidemment, ça ne rend pas la collection très uniforme, mais… c’est notre côté artisanal, dans le bon sens du terme.

Merci Isabel pour ce moment de disponibilité, et merci pour tout ce travail, ces livres donnent tous envie de les lire !

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6 Responses to Les interviews du newbie : Isabel Asunsolo, fondatrice des éditions l’Iroli

  1. Mackie says:

    J’apprends aujourd’hui avec tristesse le décès de Jean-Claude Bardot, d’une longue maladie. Quand je tapais les lignes qui évoquent sa poésie, plus haut, je le savais malade, mais je ne pouvais pas en parler alors. Aujourd’hui, je pense à ceux qui l’aimaient.

    En sa mémoire, un de ses poèmes, tout simple, que j’aime particulièrement :

    Ce rayon de soleil sur un arbre en fleurs
    C’est moi
    Ces ténèbres qui ne cessent pas
    C’est moi
    Cet arbre déraciné qui appelle
    C’est moi
    Cette lumière qui clignote là-bas près de l’espérance
    C’est moi
    Cet homme qui se lance du haut de la falaise
    C’est moi
    C’est encore moi ces feuilles mortes qui volent dans l’air
    C’est moi enfin qui d’une pierre
    Fais surgir une fleur

  2. Guillaume says:

    J’avoue que ce genre de publication n’est pas ce que j’achèterai spontanément. Je n’ai pas trop d’affinité avec la poésie en règle générale, même si le haiku me fait de l’œil de temps à autre. Mais tout comme pour C. Jubien, c’est le genre d’article / interview hyper intéressant à lire et totalement inédit. Donc bravo !
    (hâte de lire le compte rendu de la discussion avec Picquier)

    • Mackie says:

      merci, c’est sympa ! le haïku, je suis tombé dedans il y a peu, et je prépare d’autres chroniques. il y en aura sur certains recueils en particulier, et je prévois aussi un article général sur qu’est-ce que le haïku, comment en écrire, quels livres acheter etc. il y aura aussi d’autres rendez-vous ou interviews, ça viendra.

      l’interview Picquier, menée avec Isabelle Lacroze (attachée de presse) et Philippe Picquier himself, sera dispo sur le site de Journal du Japon, courant avril, aux alentours du 20/25. mais il y aura le lien depuis ma page interviews !

  3. Bravo Isabel! je viens de lire ces pages, je n’ai aucune connaissance, j’aime la poésie
    lorsque c’est tout simple et profond à la fois. Ton travail est super, un jour je vais choisir quelques livres…….J’ai égaré l’adresse mail de ta Maman,je voulais lui donner
    l’adresse de notre guide en Equateur, même pour un simple renseignement.Sa fille est à la Sorbonne à Paris.C’est Pablo Arias de Quito:parca65@hotmail.com
    C’est sans doute une de tes filles qui est là-bas.Bonne continuation et bonne année.jeanne lamour

  4. Claudine Gilson says:

    BJr Isabelle .
    Je suis Claudine . Vous me connaissez et vous m’avez jugez sans savoir ma version . Sans savoir pourquoi j’ai abandonné Jean Claude bardot que je nomais Marcel ( comme mon père ) je l’aimais comme tel . Si cela vous importe tresses .contactez moi . Cordialement Claudine gilson

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