La bête aveugle, d’Edogawa Ranpo

La Bête aveugle (Mōjū)
d’Edogawa Ranpo
1931 – Picquier, 1999

L’histoire :
Tokyo, années 30. Ranko, artiste de music-hall célèbre pour ses numéros de danses suggestives, vient visiter l’exposition de sculpture dont le clou est une statue la représentant nue, dans une pose lascive. Mais voilà qu’elle aperçoit un homme, laid et aveugle, en train de caresser sa statue de façon obscène. Troublée, elle rentre chez elle, mais l’aveugle, qui se fait passer pour un masseur, se met à la harceler, jusqu’à lui tendre un piège… Début d’une relation amoureuse improbable, sensuelle et morbide, basée sur le sens du toucher, et qui ne connaîtra ni limite ni tabou…

L’auteur :
Dans les notices biographiques, Edogawa Ranpo (décédé en 1965) est présenté généralement comme le père de la littérature policière japonaise. Il est vrai qu’il publia de nombreuses histoires dans la lignée de Conan Doyle (il a notamment créé le personnage du détective Kogoro Mori, qui a directement inspiré Détective Conan, mais également Wanpaku Tanteidan, une des premières réalisations de Rintaro). Mais ce titre est évidemment réducteur : ses livres traduits en français s’orientent plutôt vers un mélange de fantastique, d’érotisme et de suspense avec de bonnes doses de sado-masochisme. Les amateurs de mangas adultes connaissent peut-être L’ïle Panorama, et La Chenille, deux oeuvres de Maruo Suehiro, adaptées de romans d’Edogawa Ranpo, récemment éditées en France. Au fait, sinon, vous avez remarqué? Prononcé à la japonaise, le nom d’Edgar Allan Poe se prononce… Edogawa Ranpo. C’est le pseudo choisi par l’auteur, de son vrai nom Hirai Taro. Tout s’explique.

Ce que j’en pense :
Cela faisait un moment que je souhaitais découvrir l’oeuvre d’Edogawa Ranpo, et ce court roman (environ 150 pages) ayant inspiré le film choc du même nom (dont les photos illustrent le présent billet) me semblait une bonne base. Après coup, je reste toutefois sur une impression mitigée. En effet, malgré l’accumulation de scènes choquantes, dont la représentation graphique m’est habituellement insoutenable, je n’ai pas tremblé une seconde en le lisant. Donc, pour le côté thriller horrifique, c’est raté. Certaines scènes sont même comiques, et je ne crois pas que c’était voulu.

Par contre, avec son style daté, son insistance à construire des décors bizarres, et le côté totalement invraisemblable des situations,  La Bête aveugle m’est apparu comme une sorte de poème surréaliste en prose, onirique et kitsch, faisant jaillir des images et des métaphores incongrues dans une atmosphère totalement irréelle. Il faut donc accepter la fantaisie et l’imagination débridée de l’auteur pour goûter ce récit, qui en définitive n’a rien du roman policier (il n’y a ni enquête, ni mystère à résoudre) pourtant annoncé sur la couverture. Bref, pas le chef d’œuvre classique auquel je m’attendais, mais une vraie bizarrerie, dont je ne sais à qui je recommanderais la lecture, si ce n’est aux esprits curieux et aux amateurs souhaitant approfondir leur découverte de la littérature japonaise. 

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7 Responses to La bête aveugle, d’Edogawa Ranpo

  1. Guu says:

    Challenge accepted!

  2. Gemini says:

    Pour ma part, je ne sais pas lire, donc je vais me tourner vers les manga. Lézard Noir, tu m’étonnes !

  3. Guillaume says:

    C’est clair que si tu t’attendais à un roman policier en lisant Moju, le résultat doit étonner voire même décevoir (quelle idée de l’éditeur !!!!). Comme beaucoup de romans d’Edogawa Rampo des années 30, il y a une nette prédominance de l’éro-guro; qui est un style auquel pas mal de gens que je connais ne crochent pas du tout. J’aime bien ce roman, mais je préfère nettement le film.
    Je te conseille de jeter un oeil sur la partie un peu plus policière de son œuvre, via les aventures de Akechi Kogoro. Mais là encore l’auteur verse dans le « fantastique » et l’éro-guro.

  4. Tama says:

    Je me rappel avoir lu le livre peu de temps après avoir vu le film et avoir eu une impression et une perception différentes des personnages selon le support.
    Effectivement, il y a un aspect « vieillot » un peu désuet mais je trouve que le côté dérangeant reste. Pour avoir raconté l’histoire à des gens, outre le regard horrifié, on peut aisément passer pour quelqu’un qui n’a pas des lectures très saines.

  5. Gemini says:

    Je viens de finir l’adaptation de l’Ile Panorama. Ce n’est pas mal du tout, mais l’histoire ne semble servir que de prétexte pour décrire l’île en question ; laquelle nous est à ce point sur-vendue que le résultat, malgré ses excès, déçoit un peu. En tout cas, cela m’a donné envie de lire d’autres titres de Edogawa Rampo.

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