Newbie, c’est plus qu’une attitude : une vocation. Un apostolat. Une quête. Comment expliquer, autrement, qu’un mâle hétérosexuel quadragénaire se trimballe au bureau des volumes de mangas à couverture rose où des mecs se font des bisous (et des choses quatre pages plus loin), au risque de ruiner le peu de réputation qu’il lui reste? Déjà qu’il ne parle ni de foot, ni de télé, ni de bagnoles avec ses collègues… Ben oui, je lis des mangasses de pédés, et je vous merde! Et si vous voulez vraiment tout savoir, je lis aussi des mangasses de goudous, des mangasses sentimentaux pour adolescentes, des mangasses que l’office catholique voue à la damnation éternelle… Et tout ça à cause d’une certaine rencontre d’octobre dernier en une ville du Loiret (qui est privée de Japan Expo cette année, mais ça n’a aucun rapport, je vous jure que je n’y suis pour rien). Avec le catalogue Taifu, je suis servi : shojo, yaoi, yuri, ecchi et hentai, j’ai lu de tout, des parutions récentes et quelques vieilleries, et même des seinen pas encore estampillés Ototo. Je me suis aperçu aujourd’hui que j’en ai assez lu pour donner matière à quatre ou cinq chroniques, et que si je ne me secoue pas un peu je ne le ferai jamais. Donc voilà, allez hop, j’ai décidé de consacrer une semaine de chroniques aux mangas Taifu. Et aujourd’hui, pour commencer, c’est yaoi au menu.
Take Over Zone
de Masara Minase
Tokuma Shoten, 2008
Taifu, nov. 2012-mars 2013
L’histoire :
Mizuki, un élève doué en sprint, intègre l’équipe d’athlétisme du lycée, où l’on compte sur sa pointe de vitesse au 100 m pour gagner le prochain championnat interclubs. L’équipe comprend d’autres pointures, dont l’ombrageux Konno, que Mizuki semble déjà connaître. Rapidement, ils sont attirés l’un par l’autre, mais Mizuki n’arrive pas à franchir le pas, hanté par un souvenir qu’il croyait enfoui… Les résultats de l’équipe s’en ressentent aussitôt…
Ce que j’en pense :
Deux choses m’ont attiré l’œil sur Take Over Zone : d’une part, le design de la couverture, relativement sobre en rouge et bleu, même si un esprit mal tourné pourrait surinterpréter la position de Mizuki, penché juste devant Konno les mains sur les hanches ; d’autre part l’environnement sportif peut exploité, celui de la course à pied. Je me demande comment il se fait qu’il y ait aussi peu de manga sur l’athlétisme? A part Suzuka, chez Pika, je n’en vois pas d’autres… Alors que c’est un sujet royal : dépassement de soi, rivalité, persévérance… sans parler des scènes propres à exalter le corps en plein effort, et bien sûr les scènes dans les vestiaires (hem), on tient là le décor rêvé. En plus, il se trouve qu’au Japon, l’athlétisme est à la fois populaire et performant. Au cas où vous ne le sauriez pas, le 29 avril dernier, c’est un jeune japonais de 17 ans, Yoshihide Kiryu, qui a battu le record du monde junior du 100m, en seulement 10’01 !
Mais curieusement Take Over Zone exploite assez peu ce filon, contrairement à ce que laissait supposer le début. J’ai trouvé les premières pages très plaisantes à lire, à l’image de tout le premier volume en fait. L’histoire est crédible, jusqu’à ressembler presque à un seinen orienté gay, plutôt qu’à un yaoi classique. Le récit prend un tour dramatique quand le passé de Mizuki est révélé, et les relations entre les protagonistes sont plutôt conflictuelles… Mais au second tome, malheureusement, Take Over Zone redevient un yaoi pur et dur, avec l’inévitable scène de cul, un triangle amoureux, et l’athlétisme n’est plus qu’un background comme un autre. Dommage, ça partait bien… Cela reste malgré tout plaisant à lire, grâce à un dessin assez stylisé mais élégant, à part les décors qui sentent le photoshop un rien facile. Et s’il n’exploite pas assez les possibilités que le commencement laissait entrevoir, Take Over Zone demeure globalement un assez bon titre.
Hand Which
et
Your story I have known
de Tsuta Suzuki
Takeshobo, 2006 et 2008
Taifu, sept. 2012 et mai 2013
L’histoire :
Deux one-shot en forme de recueils d’histoires courtes, offrant des variations sur un même thème : la rencontre amoureuse entre hommes. On y croise un macho qui couche avec un pote un soir de beuverie, un salaryman qui tombe sous le charme d’un marchand de ramen, un artiste mystérieux qui vit dans une maison isolée, un yakuza qui protège un escort-boy, etc…
Ce que j’en pense :
les deux volumes sont de la même auteure, Suzuki Tsuta, et sont très comparables par la forme et le fond. Pourtant, je n’ai pas eu les deux fois le même plaisir de lecture. Je commence par les points forts : le dessin, très élégant, qui réussit à bien caractériser chacun des personnages, avec certes un trait assez typique du yaoi, mais avec aussi un je ne sais quoi de personnel, peut-être la forme des visages, ou les expressions, qui rendent les héros réellement séduisants. Hand Wich m’a beaucoup plu, Your Story I have known moins, car je n’ai pas retrouvé dans le second ce qui m’avait plu dans le premier : des situations variées et un côté choral, assez subtil, comme autant d’instantanés d’histoires vraies auxquelles on peut s’identifier. Hand Wich commence avec un récit touchant et assez drôle, où lors d’une soirée arrosée, un macho qui vient d’être plaqué par sa copine proclame à ses potes, sous l’effet de l’alcool : « ras le bol des femmes, à partir de maintenant, je décide que je suis homo! » Dont acte, car le lendemain, avec une casquette en plomb massif, il se réveille au pieu avec un de ses copains… Va-t-il assumer? La seconde histoire garde les mêmes personnages mais opère un changement de point de vue : nous suivons cette fois un autre de cette même bande de potes, qui se sait gay depuis toujours, mais qui n’assume pas… Les autres récits de Hand Wich sont dans la même veine, avec des situations qui se développent et se concluent rapidement, mais avec finesse, et le passage de l’un à l’autre se fait naturellement, et donne au final un patchwork cohérent. Ce n’est pas le cas de Your Story I have known, que j’ai trouvé plus fade, avec des personnages sans mystère, et finalement assez peu attachants. Même l’histoire du yakuza, pourtant prometteuse, piétine assez vite, et n’offre pas de conclusion crédible. Seule surnage l’histoire des deux lycéens, plutôt bien faite, avec deux débutants qui échappent un peu au cliché uke/seme, ce qui les rend touchants dans leur découverte mutuelle. Au final, je préfère parler du positif, et je recommande Hand Wich, qui offre de mon point de vue de newbie assez de qualités pour constituer une bonne initiation au genre yaoi.
Demain, ou après-demain peut-être, je vous proposerai mes impressions sur Seven Days et sur Super Lover !
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Merci pour ces chroniques! Ce fut un plaisir!
Et puis je suis rassurée d’avoir trouvé quelqu’un de plus âgé que moi lisant du yaoi.
Par contre, je n’oserai pas les amener aubureau, c’est courageux.
merci ! en plus j’ai un ou deux bons gros homophobes au bureau, alors c’est d’autant plus amusant.
Hand Which m’avait bien plu aussi. L’humour était bien présent, les personnages étaient naturels, mais cela n’empêchait pas une certaine sensibilité. Je n’ai pas encore lu Your Story I have known, mais je pensais l’apprécier aussi. Cependant, tu n’es pas le premier à dire que le titre est un peu trop banal. C’est dommage, j’espérais une ambiance se rapprochant d’Only you. Je verrai bien.
Je pense que tu ne seras pas déçu par Seven Days, sauf si tu es allergique au style graphique. Pour ma part, je le trouve très réussi. Concernant Super Lovers, je n’ai pas vraiment d’avis dessus. Je vois énormément de bonnes critiques, nettement plus que pour la majorité des BL. Le résumé est un peu plus original que la moyenne, mais ce n’est visiblement pas le seul atout de cette série. A tester donc.
Et comme je n’ai pas encore eu l’occasion de te le dire, félicitations pour ton succès aux Sama Awards
merci Natth! Seven Days je l’ai déjà lu, et j’avais déjà apprécié un au titre de l’auteure, Welcome to Hotel Williams Child Bird
http://chroniques-d-un-newbie.fr/?p=4141
Et pourquoi que la semaine Taïfu elle ne serait pas hentaï, justement ? Ce serait l’occasion de parler de vrais choix éditoriaux en la matière et tu passerais pour un vrai, pas pour une tantouze. Ce serait un bon moyen de t’insérer socialement.
Tiens, d’ailleurs, en regardant la couverture de Hand Which, j’ai lu Sandwich, ce qui pour un manga yaoï… Hum.
Sinon, je voulais te dire depuis longtemps qu’un module de recherche ne serait pas de trop et s’il existe, qu’il est bien trop planqué.
ah mais mossieur y en aura, du H, mais à chaque jour suffit sa peine. passer pour une tata ne me gêne pas, après quand on me connaît c’est pas crédible.
quant à l’outil de recherche, il y a les index, (littérature et anime sont déjà dispos dans le bandeau, manga j’ai fait la moitié) et il y a aussi le bouton recherche.
Je suis pas très yaoi (et, pitié, dis-moi que tu ne le prononces pas « ya-oye » mais bien « ya-o-i » ! >__< ) mais j'apprécie toujours ce genre de séquences thématiques. Surtout que pour avoir découvert Taifu/Ototo depuis seulement un an, je n'ai jusqu'à présent jamais été déçu par leurs choix d'édition.
J'attends ce que tu vas bien pouvoir dire à propos de leurs titres yuri : vu que tu as aussi bien aimé Pas à Pas, je sens que ça va être un plaisir à lire !
Tiens, au fait : c’est pas toi que j’ai rencontré brièvement sur ce quai de métro, le dimanche soir d’Épitanime vers 19h, avec un tome de Pas à Pas dans la main ?
c’était bien moi. le monde est petit !
Zut ! Si j’avais su… Bon, peut-être à une prochaine fois où je serai pas en train de me battre avec une valise qui pesait 25 kg !
Ha oui, ça m’intéresserais aussi de savoir si on prononce « ya-oye » ou « Ya-o-i », plus le temps passe et plus j’ai de doutes…
on prononce Ya-Hooo !
ok je sors.
Je ne connais pas ces titres, mais à en juger par la couverture je préfère le graphisme de Tsuta Suzuki. Celui de Masara Minase me semble un peu trop classique
Tiens, tu as peut-être déjà entendu parler ce questionnaire, mais je le poste au cas où :
https://docs.google.com/forms/d/1MZjwljqUg-bbUzR64L8mcskNwKueqoRAEgkI7ENouNw/viewform
L’enquête durera une grosse semaine. Yaoi Juice est un site sérieux et je suis sûre qu’ils publieront l’étude qu’ils promettent.
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