Tenshi No Tamago (l’Oeuf de l’Ange)
de Yoshitaka Amano (direction artistique)
et Mamoru Oshii (scénario et réalisation)
Studio Deen, 1985
L’histoire :
Sur un monde abandonné, où règne une nuit permanente, où presque toute vie semble avoir disparu. Un grand vaisseau en forme d’oeil se pose à l’horizon. Un jeune homme solitaire, aux mains bandées, portant une étrange croix, contemple la scène. Non loin, une petite fille s’éveille. Elle a les cheveux blancs immaculé et le teint pâle. Elle serre contre elle un gros oeuf pâle également, et semble lui porter toute son attention et son affection.
Après avoir traversé une forêt sombre, et aperçu une arche (comme l’arche de Noé) au sommet d’une colline, toujours portant « son » oeuf, elle entre dans une ville abandonnée, aux sinistres architectures gothiques. Elle rencontre le jeune homme à la croix. D’abord effarouchée, elle se laisse apprivoiser, et ils traversent la ville tous les deux. Ils croisent des hommes, ou des fantômes, armés de longs harpons, avec lesquels ils tentent de capturer d’immenses ombres de poissons qui survolent la ville.
A l’abri dans une sorte de cathédrale, le jeune homme essaie de savoir ce qu’il y a dans l’oeuf. La petite fille écoute les paraboles qu’il lui raconte. Qui est-il? qui est-elle? qu’y a-t-il dans cet oeuf? quel est le sens de tout cela?
Ce que j’en pense :
Ce film de 1985 n’a pas grand-chose à voir avec les quelques anime que j’ai déjà regardés. Il s’y passe trois fois rien, il n’y a que deux personnages (à part les harponneurs qui ne semblent pas appartenir au monde des vivants?), et presque pas de dialogue. D’ailleurs j’ai vu ce film en v.o. sans sous-titres, ce qui ne m’a aucunement gêné (pour ceux que ça gênerait, il existe un fan-site avec le script en français – cf. lien plus bas). L’action (si on peut l’appeler ainsi) est très lente, avec parfois de longs plans fixes. Les décors sont sublimes. Truffés de références bibliques ou fantastiques, ils sont presque monochromes (bleu sombre, noir, vert bouteille, violet…) et évoquent parfois les dessins d’auteurs tels que Moëbius, ou Druillet. A d’autre moments, j’ai également pensé à la Planète Sauvage, de Roland Topor et René Laloux. Et même aux tableaux surréalistes de Magritte, de Delvaux ou de Dali. Quant à la petite fille, elle ressemble trop à celle que l’on voit sur les vieilles gravures illustrant Alice aux Pays des Merveilles, de Lewis Carroll, pour que ce soit un hasard.
L’animation est minimale, mais magnifique, visiblement entièrement réalisée à la main, avec un soin tout particulier à l’animation des gestes des mains, des mouvements de vêtements et de cheveux. La musique est totalement originale, créée par Yoshihiro Kanno, un compositeur contemporain influencé par Ligeti et Messiaen, bref on est très loin de la musique habituelle pour anime.
J’ai été transporté par ce film. Par certains aspects, il préfigure les oeuvres ultérieures de Mamoru Oshii, Ghost in the shell 1 et Innocence (Ghost in the shell 2). D’abord par ses qualités artistiques : le soin apporté au cadre et à ce qui le compose (chaque plan pourrait être exposé dans un musée); l’esthétisme; le rythme (lent); le ton introspectif; la tristesse et la poésie; l’onirisme; le soin apporté aux décors, qui possèdent une personnalité propre. Ensuite par son inspiration : l’Oeuf de l’Ange aborde des sujets métaphysiques, philosophiques, spirituels. Sauf qu’ici, aucune citation ni théorie, pas la moindre explication. Là où Ghost in the Shell est souvent bavard, l’Oeuf de l’Ange est étonnamment peu loquace.
Gardant tout son mystère, ne livrant aucune clé ou presque, c’est un film absolument hors du temps et des modes, anti-commercial (il fut d’ailleurs un bide au Japon) et une oeuvre d’art à part entière. Et même, allez, j’ose le dire, un chef d’oeuvre. Il faut l’avoir vu.
Trailer V.O. de Tenshi No Tamago :
Bonus :
- une analyse de Tenshi No Tamago (site en français)
- une discussion sur ce film entre Yiza (de Negenerv) et le newbie
- la chronique que le Dino bleu a consacrée à ce film
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ça l’air étrange, mais ça donne envie
le film n’est jamais sorti en France, ni en salles ni en vidéo ou DVD. il n’est disponible qu’en import japonais, à 60€ (!) neuf, ou d’occase à 40 € environ.
en attendant, faut trouver soi-même sur le web …
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Bonjour, je tiens à rectifier une erreur, le film n’a pas été un bide au japon, en terme de bénéfice il fut très correcte. Voila.
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