Ces derniers temps, je ne sais pas pourquoi mais j’ai acheté un paquet de titres édités chez Sakka. Vous connaissez? Non, pas Kana, ni Kazé, ni Tonkam : Sakka. Oui, je sais, moi aussi au début je les confondais, tous ces labels avec leurs noms en Ka-quelque chose. On devine le créatif et sa recherche permanente d’originalité. Bref. Donc oui, Sakka l’éditeur de Skip Beat!, de Gon, de L’Habitant de l’infini et de Thermae Romae. Le label Manga de Casterman, quoi. Sakka, ça veut dire « auteurs » il paraît, ce qui tombe bien, parce qu’excepté les titres ci-dessus, on ne peut pas dire que la collection fasse souvent la une des médias spécialisés. À part aussi les Taniguchi, comme Blanco, L’Homme de la Toundra ou le Gourmet solitaire. Euh, wait, d’habitude Casterman édite des titres de Taniguchi dans sa collection écritures, non? Han, mais comment voulez-vous qu’on s’y retrouve? Je reprends : j’ai acheté plein de titres de chez Sakka et j’ai pas le temps de faire un article pour chaque titre alors je fais un article fourre-tout et puis si vous êtes pas contents c’est le même prix!
Astral Project (Tsuki no Hikari)
de Shuji Takeya (dessin)
et Marginal (scénario)
Enterbrain, 2006
Sakka, 2007-2008
série terminée en 4 tomes
L’histoire : Masahiko, un jeune garçon qui a fui sa famille bourgeoise à Sapporo, et qui gagne sa vie comme chauffeur pour des escort girls à Tokyo, apprend la mort de sa jeune sœur. Il « hérite » d’un CD qui traînait dans la chambre de la morte. De retour chez lui, dans sa piaule de Shinjuku, il le met dans sa platine…en écoutant cette musique il se retrouve à flotter au-dessus de son corps ! Voulant comprendre ce qui se passe, il pousse chaque fois l’expérience un peu plus loin, et découvre l’existence d’un monde qu’il ne soupçonnait pas, où il peut même faire des rencontres… Le monde des âmes? Mais alors, peut-être pourra-t-il ainsi retrouver sa sœur, et savoir pourquoi elle est morte?
Ce que j’en pense : du bien, et une relative déception. Car Astral Project possède, à la base, pas mal d’éléments pour me plaire : un point de départ original, une intrigue adulte et complexe, plein de références inhabituelles pour les mangas et qui me parlent (Albert Ayler, John Coltrane, Francis Bacon), une ambiance de complot à dimension géopolitique, de la métaphysique, et une réflexion critique et désabusée sur la solitude dans les sociétés contemporaines… Plus précisément, Astral Project présente un univers où le spirituel fait un retour inattendu, à travers le phénomène de décorporation, prétexte pour le scénariste Marginal, alias Garon Tsuchiya, de critiquer le matérialisme forcené des sociétés occidentales, où tout peut s’acheter donc rien n’a de valeur… Marginal renvoie dos-à-dos les Etats-Unis et le Japon moderne, et va jusqu’à imaginer que l’otaku est une nouvelle étape dans l’évolution de l’être humain. Une régression, cela va sans dire.
Tout cela est fort intéressant, donc, et s’accompagne d’une narration à la structure classique mais bien construite : la découverte d’un monde secret et parallèle par le héros se fait par révélations successives, qui sont autant de cercles concentriques plus larges les uns que les autres. Le souci, c’est qu’à augmenter, chapitre après chapitre, la superficie du terrain de jeux, on finit par ne plus trop savoir où se situe le centre du jeu. Et comme on s’attend à une conclusion pour le moins cosmique, la fin du quatrième et dernier tome constitue une grosse déception. Oh, elle n’est pas mal écrite, mais ça sent la coupure de robinet par l’éditeur. Typique… Je ne sais pas si je dois vous recommander cette lecture, finalement. Certes, il y a le réel plaisir de lecture des trois premiers tomes. Mais tout ça pour ça… Vraiment dommage.
Fujisan
d’Akira Sasô
Shogakukan, 2000-2002
Sakka, 2005
One-shot
Les histoires : un conducteur de train remarque une jeune femme visiblement tentée par le suicide… une autre jeune femme élève un enfant imaginaire… un homme qui a refait sa vie sous une autre identité cherche à revoir son ex-femme, qui se croit veuve… une mère et sa fille se réfugient en haut du mont Fuji pour fuir leurs créanciers… un truand, cancéreux en phase terminale, entreprend une dernière promenade sur les pentes du mont sacré… Chacun des personnages, aux prises avec un drame intime, se tourne vers Fuji San pour trouver une réponse…
Ce que j’en pense : Fujisan est un véritable recueil de nouvelles à thème, non une simple compilation d’histoires courtes comme on en trouve souvent, sans rapport entre elles. Ici, chaque histoire est différente, mais avec un fil conducteur qui les relie : dans l’agglomération de Tokyo-Yokohama se nouent six drames ordinaires de la solitude, de l’incompréhension ou de l’absence de communication, dont le témoin, parfois le deus ex-machina, n’est autre que le Mont Fuji, dont la haute silhouette se détache à l’horizon, tel un Dieu tout puissant. L’idée est intéressante, et probablement riche de sous-entendus mystiques propres à la société japonaise : le Mont Fuji est un lieu sacré et une divinité du shintoisme. Une fois que c’est dit, le constat est qu’entre la dépression, la pauvreté, la violence, la maladie, rien ne nous est épargné, et les histoires sont aussi sinistres les unes que les autres. Certaines se terminent par une note d’espoir, mais non sans avoir traversé la douleur, l’angoisse, la honte, la tentation du suicide… Je suis ressorti de cette lecture passablement déprimé, un peu comme quand je viens de finir de lire mon avis d’imposition, voyez. Ajoutez à cela un dessin curieusement enfantin, raide jusqu’à la maladresse (allez, j’ose : c’est carrément laid), et voilà comment ce qui aurait pu être beau à pleurer est juste à pleurer. Seul titre traduit en France de l’auteur, connu pour ses mangas pour enfants. Ok, je plains les enfants.
Jeux d’enfant
de Q-Ta Minami
Shodensha, 2003
Sakka, 2005
One-shot
L’histoire : Sept moments dans la vie de Jun, que l’on regarde grandir, de la petite fille villageoise timide à l’ado sportive et forte tête, puis à la jeune femme qui cherche sa voie dans la grande ville moderne. Jusqu’à devenir… mangaka !
Ce que j’en pense : Par rapport aux titres précédents, Jeux d’Enfant est une surprise d’autant meilleure que je n’en attendais pas grand-chose. Et même, en terminant la lecture, je n’était pas plus enthousiasmé que ça. Mais il y avait quelque chose, que je ne saurais définir, un charme, une singularité… Un truc qui m’a poussé à garder le volume à portée de main pendant les deux ou trois jours qui ont suivi, et à le rouvrir pour relire certains passages, juste pour le plaisir. Et aussi un peu pour mieux saisir certaines nuances qui m’avaient échappé à la première lecture, en tournant trop vite les pages. Car à première vue, Jeux d’enfant ressemble à une compilation de moments ordinaires, sans liens apparents, et il faut avoir tourné la dernière page pour s’apercevoir qu’ils sont essentiels. Tout l’art subtil de l’auteure, Q-Ta Minami, est de faire vivre au lecteur des moments-clé sans qu’il s’en rende compte, de les mettre en scène avec justesse et sans fausse pudeur, de les faire sonner vrai. J’adore, par exemple, les moments où Jun travaille comme barmaid, et la façon dont elle gère ses relations avec la famille de bras-cassés que constitue la clientèle des habitués… Ou la manière dont, en quelques cases, elle décrit le milieu de l’édition… Et je feuillette ce manga comme un album de photos de familles, les souvenirs en s’assemblant construisent une autobiographie de la mangaka. C’est frais, assez drôle même dans les moments graves, et comme en plus le dessin est plein de charme, ça a un arrière-goût de revenez-y. Une chose est certaine : je vais de ce pas m’acheter les autres mangas de Q-Ta Minami. Faites-en autant, ou au moins, commencez par celui là. Si vous aimez Inio Asano, Kan Takahama ou Kiriko Nananan, vous aimerez Q-Ta Minami.
C’est vrai que sakka est une collection donnant une impression étrange : très peu de titres, certains commercialement classiques comme « skip beat! » ou « mirai nikki », d’autres d’humour comme « shin-chan », des Tezuka, des Taniguchi, des oeuvres majeures comme « l’habitant de l’infini », « gon » ou « The world is mine », des mangas d’auteur, souvent très sombre et orientés josei (kiriko nananan, kyoko okazaki, kan takahama) mais pas que (daisuke igarashi, usamaru furuya)…
En gros, j’ai l’impression que chaque publication Sakka est un coup de coeur, de la part d’éditeur axés sur le manga sociétal, l’intime, le fantastique sombre, ou des envies d’essayer autre chose (shonen, shojo, josei, kodomo, seinen, il y a tout les genres).
Bref, pas l’éditeur le plus simple à suivre…
Moi je conseille l’habitant de l’infini, blessures nocturnes, river’s edge, the world is mine, l’eau amère, Kinderbook et Strawberry shortcakes.
ça en fait pas mal en fait!
L’habitant de l’infini me fait un peu peur, vu le nombre de titres. J’y viendrai mais ce sera d’occase, comme souvent ^^
L’Eau amère m’avait plu, mais pas autant que Deux Expressos. Kinderbook est sur ma wishlist.
Là, j’ai pas mal d’autres titres en stock, de Io Kuroda, de Hideji Oda, j’ai aussi récupéré IL, de Tezuka, donc j’ai de quoi faire…
C’est vrai que j’ai une pile de Sakka et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne sont pas vendeurs. Pas toujours d’heureuses rencontres mais ça fait toujours plaisir de voir de l’alternatif.
Les couvertures sont un peu tristounes… souvent monochromes. Mais cette collection a le mérite d’exister. J’ai quand même l’impression que dernièrement, il prennent un virage plus commercial. Peut-être que la concurrence des petits éditeurs indépendants apparus récemment commence à se faire sentir?
Les jaquettes sont un peu trop uniforme, c’est vrai!
Et entre la démission de Frédéric Boilet en 2008-2009 et la reprise en main par Casterman qui a du s’opérer ces dernières année (le manga moins rentable, les nouveautés moins longtemps visibles), il y a clairement un virage plus grand public : redéfinition de la collection en « Sakka poche », sorties accélérée des shonen e shojo…
On peut aussi voir ça dans la publication de « l’île panorama », alors que Suehiro Maruo est un auteur quasi-intégralement publié par le petit éditeur le Lézard noir.
Des changements à venir suite au rachat par Gallimard de Casterman et au départ du directeur « historique » Louis Delas?
Amour, gloire et BD…
Histoire couleur terre et All my darling daughters. Excellents.
La mal aimée du même auteur que Histoire… mais un peu moins bien.
Sorcières, La mélodie de Marie, Kaikisen… chouettes.
L’avantage de Sakka c’est qu’il y a des titres vraiment différents… ce qui est aussi son problème car on ne peut pas tout aimer comme la collection Made In. Par exemple L’eau amère j’ai trouvé ça chiant.
Je ne connais pas les premiers que tu cites, je vais regarder ça, merci.
Kaikisen et la Musique de Marie, j’en parle ici et là.
Je confirme pour All my darling daughters, qui est pour moi excellentissime, Fumi Yoshinaga est vraiment une auteure excellente <3.
Je ne sais pas si conseiller L'habitant de l'infini est une bonne idée. Je suis la série depuis… Trop longtemps et ça part vraiment trop en sucette, un peu comme Bastard!! en son temps. Sinon, il y a des titres comme Melle Oishi et les manga de Kiriko Nananan qui sont sympas aussi.
En fait, la collection Sakka c'est aussi la fin des publications TRES erratiques de l'époque précédente, le symbole à mon sens étant la série Dispersion, en 2 tomes pourtant, qui a mis 10 ans à sortir en entier. Je me souviens du temps d'attente de folie entre 2 tomes de l'habitant de l'infini, parfois entre 2 et 3 ans pour avoir le tome suivant, alors que la parution japonaise était régulière. Et surtout des cases renversées une à une, avec les dialogues qui ne voulaient plus rien dire une fois les bulles retournées (j'ai encore la vieille édition pour les premiers tomes). Atroce.
Dispersion, je viens de l’acheter.
Fumi Yoshinaga, pas lu non plus le pavillon des hommes, mais c’est prévu ^^
Mlle Oishi, je viens de finir un autre manga (Adieu Midori) de Q-Ta Minami, décidément j’ai bien cette mangaka.