Du sang sur la toile

Du sang sur la toile (Shadow family)
de Miyuki Miyabe
Kodansha, 2001
Éditions Philippe Picquier, 2010
Picquier poche, 2012

L’histoire : Dans un quartier résidentiel de Tokyo, près de Shibuya, le corps d’un père de famille ordinaire est retrouvé lardé de coups de couteau, sur le chantier de la maison qu’il faisait construire. Très vite, la police découvre qu’il menait une double vie, sur internet, où il s’était constitué une seconde famille virtuelle, avec une fausse épouse et de faux enfants… Et que l’affaire est reliée à un autre meurtre, celui d’une jeune fille, survenu quelques jours plus tôt… Convoqués au commissariat pour une confrontation, les suspects ne se doutent pas que tout va se jouer à huis clos…

Ce que j’en pense : Rassurez-vous, le titre de cette chronique ne fait pas référence à une velléité de laver dans le sang des commentaires aigres-doux récemment échangés dans la blogosphère, ce n’est pas parce que je suis au régime que ma mauvaise humeur me porte à vouloir trucider qui que ce soit. Le sang en question coule dans un roman policier, le second que je lis de Miyuki Miyabe, « reine » du polar nippon dont certains connaissent peut-être aussi le nom comme scénariste du manga Brave Story. Je n’avais pas été complètement convaincu par Crossfire, thriller fantastique à la Stephen King, ai-je été séduit par Du sang sur la toile, que son intrigue place dans la catégorie plus classique des « romans de procédure policière », façon Ed McBain, Ian Rankin ou Fred Vargas?

Racontée du point de vue des enquêteurs, notamment de l’inspectrice Chikako Ishizu, déjà à l’œuvre dans Crossfire, l’intrigue se déroule presque entièrement dans une seule pièce, une salle d’interrogatoire du commissariat de Shibuya, avec son habituelle glace sans tain pour les observateurs. L’enjeu : confondre l’assassin au sein d’un groupe de témoins et/ou suspects par une série de confrontations. L’auteure a pris soin de les relier par ce qui semble être des mobiles possibles, tout en ayant semé quelques fausses pistes, principalement en la personne d’une jeune suspecte leurre qui n’apparaîtra jamais physiquement dans le récit. Cela devant nous amener à la révélation finale supposée nous prendre par surprise. Je dis supposée, car pour des raisons évidentes (que je ne spoilerai pas), j’avais deviné ladite révélation à peu près au premier tiers du livre… Enfin, pour être honnête, j’ai encore un peu hésité entre deux possibles, la dernière surprise étant de découvrir qu’en fait, les policiers avaient ciblé le bon coupable dès le début. Restait donc juste à le faire avouer en le (nous) menant en bateau.

Autre aspect intéressant, mais pas assez développé à mon avis, les relations entre les différents enquêteurs. C’est limite fouillis ; comme ils sont nombreux à intervenir, j’ai eu au début du mal à mémoriser leurs noms.  La bonne idée est de donner le premier rôle à des policiers habituellement affectés aux tâches obscures, paperasse, travail de bureau, plutôt qu’à des enquêteurs de terrain. Outre le personnage de Chikako Ishizu, inspectrice entre deux âges qui fait preuve de finesse et de psychologie, on fait ainsi connaissance avec l’inspecteur Takegami, gratte-papier chargé de remplacer au pied levé un collègue hospitalisé, et de mener l’interrogatoire à sa place. Déterminé, mais pas complètement sûr de lui, il est parfois désarçonné, ce qui ajoute de l’épaisseur à l’atmosphère déjà pesante des interrogatoires. Original.

Je m’aperçois que je n’ai pas évoqué ce qui donne le titre au roman : l’importance d’internet dans les relations entre la victime et les différents suspects. Probablement parce qu’il ne s’agit que d’un MacGuffin, et que ce n’est pas là que se passe l’essentiel. En fait, la même histoire aurait pu être écrite avec des personnages communiquant par texto. D’ailleurs le titre original, Shadow Family, me semble plus fidèle que Du sang sur la toile.

Si certaines ficelles n’avaient pas été aussi grosses, me laissant entrevoir assez vite le fin mot du mystère, Du sang sur la toile aurait offert plus qu’un simple moment de détente : un vrai suspense. Le début est un peu déroutant, le milieu captivant, et j’ai failli zapper la fin. C’est dommage, car en basant l’intrigue sur les fondamentaux d’un whodunnit à huis clos, Miyuki Miyabe se montre bien plus convaincante que dans Crossfire. Ça pourrait faire, je pense, une bonne pièce de théâtre. Au final un assez bon roman policier, que je conseille aux lecteurs qui cherchent un policier pour se distraire sans trop se prendre la tête.

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One Response to Du sang sur la toile

  1. Guillaume says:

    J’ai toujours eu du mal avec cette auteur. J’ai entendu parler d’elle pour la première fois via Perfect Blue, et quelques années plus tard j’ai tenté ses romans qui avaient été traduits en anglais et français. J’aime assez cette touche de fantasy qu’elle intègre à ses cadres urbains et contemporains, mais sur la construction même des récits je la trouve maladroite (ou pas assez fine). Ses idées sont sympa, mais la réalisation pêche sacrement, donc.

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