Peace Maker vs. Go West : duel au soleil (levant)

Coïncidence : au moment où parassait chez Glénat le premier volume de Peace Maker, le nouveau western seinen de Ryuji Minagawa, je finissais de lire un autre manga avec des colts et des éperons : Go West, de Yu Yagami. N’écoutant que ma flemme légendaire mon esprit d’escalier, j’y ai tout de suite vu la possibilité d’écrire un seul billet au lieu de deux de faire un intéressant rapprochement entre deux mangas traitant du même univers : le western. En plus, j’adore les westerns, depuis ma plus tendre enfance. Tous les westerns : des grands classiques de John Ford aux spaghettis stylisés de Sergio Leone, et des épopées façon Blueberry aux histoires plus simples de Lucky Luke. Alors évidemment, quand le manga s’y met à son tour, et je ne peux faire autrement que de m’y plonger avec ravissement.

Ah ! les grands espaces, Monument Valley, le vent sur la plaine, les signaux de fumée… les trognes patibulaires, les héros virils, les jeunes femmes en détresse et le barman qui essuie ses verres toute la journée… Z-avez dit cliché? Bah oui mais j’aime bien ça, moi, les clichés, sinon je ne lirais pas des mangas. D’ailleurs les mangas et les westerns, ils étaient faits pour se rencontrer. Et je m’étonne qu’il n’y ait pas plus de mangas western : le sabre et le colt, c’est un peu la même chose, non? Alors oui, je sais qu’on a eu les westerns sauce sci-fi de Gun Frontier, Trigun, et Cowboy Bebop et certainement d’autres que je ne connais pas. Mais combien de VRAIS westerns avec cowboys et indiens, qui se passent à Tombstone ou à Fort Navajo? Je vous le demande.

Alors quand, justement, je lis successivement Go West puis Peace Maker, ça m’a sauté aux yeux : l’ouest sauvage est un terrain de jeux idéal pour nos héros shonen et seinen, car il permet de respecter à la lettre le cahier des charges.

Vous aimez les duels, les un-contre-un, les affrontements avec super combos et tricks secrets pour abattre le gros méchant qui mesure 3 mètres au garrot? Ok les otakus, rangez votre cosmos, vos astéro-hache autres modes berzerk : on va le faire à l’ancienne et pour ça rien ne vaut le colt Peace Maker, nom d’une pipe. Ah non? Vous préférez peut-être les quêtes initiatiques, avec recherche des origines, l’orphelin(e) qui se demande qui suis-je où cours-je et dans quel état j’erre, et qui découvre en route les vraies valeurs de l’amitié toussa? Alors Go West, petits scarabées, et ça c’est une putain d’école de la vie, nom d’un cactus.

1- Peace Maker
de Ryuji Minagawa
Shueisha, 2007 (6 vol en cours) – Glénat Seinen, 2011

L’histoire : Côte est des Etats-Unis, début du XXème siècle. Les habitants du petit village de Faden sont massacrés jusqu’au dernier par une bande de tueurs surarmés, les tristement célèbres Crimson Executers. Jusqu’au dernier? non, car la petite Nicola a survécu en se cachant, et elle a tout vu. Témoin gênant, elle a pu s’enfuir et a été recueillie par Kyle, un escroc et joueur professionnel qui la ramène à Schwarz, petite ville qui vit au rythme des duels entre professionnels de la gachette. A chaque affrontement, qui ne se termine que par la mort d’un des duellistes, l’argent des paris change de mains, et à ce petit jeu, Greg River est le champion en titre. Tueur redoutable, mais honnête, Greg River accepte de protéger la petite Nicola, que lui livre Kyle, son ami.
Mais au même moment, Hans Giles, un psychopathe de la bande des Crimson Executers, débarque en ville. Il repère Nicola, et impose à Greg River un duel, dont la petite fille sera l’enjeu… Par tricherie, Hans Giles tue Greg River. Nicola est perdue…
…C’est là qu’intervient un jeune inconnu, allure de semi-clochard, qui porte au côté une arme célèbre : le colt « Peace Maker » de Peace Emerson, le légendaire as du revolver. Le gamin n’est autre que Hope Emerson, son fils. Et il semble aussi fort que son père… Sauvera-t-il la petite Nicola, et deviendra-t-il le nouveau « pacificateur »?

Ce que j’en pense : Des duels, des flingues, du sang : d’emblée, on voit bien qu’on n’est pas là pour rigoler. Une intrigue des plus classiques, que j’ai l’impression d’avoir lu cent fois: le jeune héros sans peur qui se dresse seul contre toute une bande de super-méchants plus costauds les uns que les autres, pour protéger la petite fille sans défense et accessoirement défendre son sens de l’honneur et de la justice. Parce que, bien sûr, s’il tue ses adversaires en duel, c’est uniquement s’ils sont (je cite) « des démons, capables de voler leur vie aux gens » (sic). Ce qui fait toute la différence avec les vulgaires duellistes, qui se battent pour de l’argent. Bon, je sais que c’est un peu gros, surtout si on considère qu’à la base, il n’a pas un rond, et qu’ensuite il encaisse sans trop rechigner la prime du duel, une fois le méchant terrassé (ah, zut, spoil. Tant pis, c’est page 50 sur 200, c’est pas grave).
Le temps et le lieu, je suppose que c’est vers le début du XXème siècle,  parce qu’on y voit une automobile (genre Ford T); et que c’est quelque part dans l’est des US, car une des villes est côtière, et que ça ne ressemble pas trop à la Californie. Mais rien n’est moins sûr, car il y a quelque chose de bizarre dans l’atmosphère générale de ce manga. Que des villes entières soient livrées à la loi des duels au revolver, sans qu’aucune forme d’autorité (shérif, police ou armée) n’apparaisse, ça ressemble fort à une uchronie. Après un seul volume, il est encore trop tôt pour que je me prononce sur ce point.
Le résultat est à ce stade intéressant, pas du tout original mais soigné, avec de beaux décors et des scènes de duels joliment mises en scène. Ce n’est pas l’ouest sauvage, les décors urbains prédominent, le héros ne porte pas de stetson mais une casquette, ce qui lui donne un air de gamin des bas fonds, genre Gangs of New York. C’est annoncé comme un western, mais ça ressemble plutôt à un classique manga de duels, et finalement, si on remplace le colt par le sabre, Peace Maker pourrait très bien se situer au Japon, à l’ère Meiji, façon Kenshin le vagabond. Bref, à voir pour la suite.

2- Go west !
de Yu Yagami
ASCII Mediaworks (2003),  Taifu Comics (2006 – épuisé)
série terminée en 4 tomes

L’histoire : Naomi, 18 ans, japonaise, élevée dans un orphelinat, débarque toute seule en plein far-west pour retrouver ses parents disparus. Elle n’a ni photo, ni papiers, ni même son vrai nom de famille. Mais ne doutant de rien, et surtout pas d’elle-même, elle est sûre d’y arriver. Aussitôt, elle s’adapte à son nouvel environnement et se transforme en vraie cow-girl, avec bottes, stetson, revolver et un cheval, disons, euh, bizarre : nommé Red Bullett, il a pour particularité de n’avancer qu’en ligne droite, plein ouest, sans jamais dévier d’un centimètre… Au moins, avec un cheval pareil, elle ne peut aller que droit au but, que le chemin soit dégagé, ou encombré par des cactus, des canyons infranchissables ou des bandits armés jusqu’aux dents. Et des embûches, elle va en rencontrer. Dans ce far-west très, très, très sauvage, il n’y a pas que les chevaux qui ont un pet au casque. Les humains, c’est pas  mieux. En guise de parents, elle va se retrouver flanquée de compagnons pour le moins spéciaux : Mingo Bomber, un black à la coupe afro maniaque du bâton de dynamite, qui prétend être son… frère, et le Pistolero, un chasseur de primes au look de Clint Eastwood qui prétend être… son père. A ce duo d’improbables parents s’ajoute Jack, un cow-boy gringalet et maladroit amoureux fou de Naomi, et dont le principal talent est de se ramasser une balle perdue à quasiment chaque fin de chapitre. Pour Naomi, la quête de ses vrais parents n’est pas gagnée…

Ce que j’en pense : Alors là, on change complètement d’ambiance. Autant Peace Maker se présente comme un seinen plutôt violent et sérieux, autant Go West se démarque par un ton burlesque, et pour tout dire absurde, particulièrement réjouissant. Cela faisait longtemps que je n’avais pas autant rigolé en lisant un manga. Sur un canevas en apparence banal (la sempiternelle quête des parents disparus), Go West dynamite (c’est le cas de le dire) tous les poncifs du western, et les replace dans un univers de fantaisie, où aucune logique, même pas narrative, n’est respectée.
Dès le début, quelque chose cloche dans ce Western. Je m’explique. Naomi débarque en bateau, dans une ville côtière, et file vers droit vers l’ouest (d’où le titre, Go West. Mais si ! suivez, un peu). On devrait en déduire qu’elle débarque… côte est. N’est-ce pas (j’ai l’impression que vous décrochez déjà)? Et au bout de son chemin, en ligne droite, elle arrive où? A son point de départ. Donc elle rembarque dans un bateau, pour échouer… Oui, vous avez gagné, au même endroit. Donc : oubliez toute logique spatio-temporelle, et voilà l’ouest sauvage, ses déserts, ses canyons et ses cactus, devenu une sorte de monde parallèle que l’on visite en effectuant un mouvement perpétuel (tiens, je vous ai perdus en route. Normal, c’est voulu).
Si les notions de temps et d’espace sont aussi bizarres, la structure narrative est du même acabit. En fait, l’histoire progresse par accidents, car Naomi est obligée d’avancer sur son cheval qui ne progresse qu’en ligne droite. Du coup, seuls les obstacles (précipices, canyons verticaux, cactus…) la font s’arrêter de temps en temps. Et malgré cela, elle croise toujours les mêmes personnes en route : comme si, les laissant derrière elle, il était normal de les retrouver plus loin, devant elle… Les péripéties, plus burlesques les unes que les autres, se finissent en général à grand coups d’explosions (grâce à Mingo Bomber) ou de flingue (merci le Pistolero). Que sera le point final de la quête? Who cares? La fin, aussi abrupte qu’absurde, est une pirouette certes facile, mais qui conclut l’histoire avec la même absence de logique qui lui a si bien servi de trame depuis le début.
Je m’aperçois que je n’ai pas évoqué le dessin : si Peace Maker fait, là aussi, dans le classicisme, avec quelques beaux moments (les duels), Go West se signale pas un trait très très… inhabituel, ligne claire, un peu tremblé, mais d’une grande liberté et d’un grand dynamisme, parfaitement en phase avec le côté parfois cartoon des personnages et des situations. Mingo Bomber et le Pistolero sont d’énormes clins d’oeils aux seventies, le premier façon Blaxploitation et le second plus Clint que nature. Et Naomi est carrément mimi.
En fait, Go West, c’est un western de fantasy, complètement barré, et c’est pour ça que je l’ai aimé. Après Sergio Leone et le western spaghetti, voici Go West et l’invention du western sushi.
Complètement à l’ouest, bien sûr.

Conclusion :
Vous l’aurez compris, Dans ce « duel » entre Peace Maker et Go West, pour moi c’est le second, l’outsider qui l’emporte haut la main. Peace Maker rencontrera peut-être son public, mais malgré ses indéniables qualités, il demeure trop sagement dans un créneau qui ne lui permettra peut-être pas de se signaler dans la concurrence. Go West est sans doute passé à côté du succès, mais je le classe sans hésiter dans la catégorie des trésors cachés, à redécouvrir.

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56 Responses to Peace Maker vs. Go West : duel au soleil (levant)

  1. Guu says:

    Le « western sushi », j’aime beaucoup l’expression =) Comme dit sur FB j’hésitais pour « PeaceMaker », et je crois que je vais hésiter encore un peu en attendant ton avis sur la suite.

    Par contre « Go West » me motive bien pour le coup. Hop noté ! Merci !

  2. Gemini says:

    Le western sushi, c’est comme le western sukiyaki ? En parlant de western sukiyaki, pourquoi personne n’a pensé à dire à Takeshi Miike que faire tourner des Japonais en langue anglaise, c’était une très mauvaise idée ?

    Le second manga m’intéresse, à voir si je le trouve d’occasion ^^

  3. Pingback: Kirihoshi, shonen sans lendemain | Les chroniques d'un newbie

  4. Jérôme says:

    Intéressant cette comparaison ! Je pencherais donc pour Go West, ça m’intrigue.

    Sinon en manga Western, ça me rappelle Sky Hawk de Taniguchi (http://www.sakka.info/Albums_Detail.cfm?ID=36446) que j’ai lu il y a un bout de temps. Pour le coup, c’est vraiment du Western Sushi, ça raconte l’histoire de deux Japonais (des samouraïs pour faire original) exilés aux États-Unis du XIXème siècle. Le bushidô rencontre le code d’honneur des indiens des grandes plaines. Pas tellement focalisé sur les cowboys donc.

    C’est intéressant et surtout c’est Jiro Taniguchi (certaines planches sont sublimes) mais le résultat est un peu longuet malheureusement…

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