Au cours de ma découverte pas à pas des écrivains japonais, il fallait bien qu’un jour ou l’autre je découvre Lafcadio Hearn. Je sais, vous pensez que ce nom ne sonne pas très japonais, et vous avez raison. Pourquoi donc cet irlandais, né d’une mère grecque, et ayant fait carrière aux Etats-Unis, est-il aujourd’hui célébré par les japonais comme un de leurs grands écrivains? Autant que de l’oeuvre, c’est de l’auteur que je veux vous parler aujourd’hui.
Je ne me souviens plus très bien où j’ai lu le nom de Lafcadio Hearn la première fois. Probablement en me documentant au sujet des yokai, pour un article sur un manga qui aborde le sujet. Plus tard, c’est en lisant le manga de Jiro Taniguchi, Au temps de Botchan, que j’ai vraiment fait connaissance avec le personnage. Dans cette fresque située à l’ère Meiji, et centrée sur la biographie de Soseki, on apprend que ce dernier succéda en tant que professeur de littérature anglaise à l’Université Impériale de Tokyo à un certain… Lafcadio Hearn. On peut y voir un homme déjà âgé, d’allure british, mais vêtu d’un kimono, apprenant d’un fonctionnaire (vêtu, lui, à l’occidentale, tout un symbole) qu’il était évincé au profit d’un japonais de souche… « Mais je suis Japonais. Ne le suis-je pas » ?, proteste-t-il. Le fonctionnaire ajoute, perfide : « En ce cas, un salaire de 200 yen vous suffira » . Cette scène est difficile à comprendre au premier abord (explication : l’administration japonaise voulait autrefois que l’enseignement de l’anglais fut confié à des professeurs anglo-saxons, les titulaires étant bien payés. Avec la montée du nationalisme, l’administration change de position pour une préférence nationale… et des salaires plus bas. Hearn est doublement floué : d’une part, il perd son poste au profit d’un japonais de souche, mais ayant acquis lui-même la nationalité japonaise, il voit son salaire réduit de moitié…). Mais elle est révélatrice de tous les malentendus que Lafcadio Hearn aura endurés sa vie durant : nulle part à sa place, victime de préjugés, incapable de défendre ses intérêts… Mais je digresse déjà.
Odyssée
Patrick Lafcadio Hearn est né en 1850 à Lefkadia (Îles Ioniennes) d’un père Irlandais et d’une mère Grecque. Ce mariage dura à peine quatre ans, et l’enfant fut confié à une de ses tantes, à Dublin. Élevé sans amour, victime d’un accident qui lui fit perdre l’usage d’un oeil, Lafcadio Hearn quitta rapidement sa famille pour travailler à Londres, puis il tenta, comme beaucoup, l’aventure de traverser l’Atlantique. Et comme beaucoup de jeunes dans sa situation, également, il s’essaya au journalisme pour survivre, et se fit remarquer pour la vivacité de sa plume et son sens de l’observation – ironie du sort, pour un borgne presque aveugle… Mais il ne réussit pas à entrer dans le moule, et son mariage avec une jeune femme noire fit scandale, lui valant son renvoi du journal pour lequel il travaillait. C’était comme ça, à Cincinatti, en 1874…
Le mariage ne dura pas de toutes façons, et il continua sa vie d’errance, La Nouvelle Orléans, puis les Antilles françaises, étapes dont il tira des livres à succès, et où il noua de nombreuses relations dans les milieux littéraires et culturels. A cette époque, il traduisit en anglais les livres de Victor Hugo, Maupassant, Flaubert, Zola… Mais il ne reçut jamais les bénéfices matériels de son succès critique. Ses employeurs (éditeurs, journaux) le traitèrent toujours comme un subordonné, sa situation resta toujours précaire, et progressivement, il devint solitaire, aigri. Sa seul passion : sa curiosité pour les cultures et pour les traditions « indigènes ». Il avait déjà 40 ans et n’avait toujours aucun port d’attache quand il tenta le grand saut : l’installation au Japon. Cette dernière étape fut le terme de son Odyssée, lui qui tel Ulysse partit d’une île grecque pour trouver enfin le repos, après être passé par Charybde et Sylla.
Le pays des fées
Dans Ma première journée en Orient, texte initialement publié dans son best-seller Glimpses of unfamiliar Japan, Lafcadio Hearn tente de transcrire ses impressions, avant qu’elles ne s’évaporent, lorsqu’il a visité la première fois Yokohama à son arrivée. Le résultat est un petit chef d’oeuvre. En lisant ces quelques pages, j’ai vraiment eu la sensation d’effectuer le trajet à travers la ville, assis dans le kurumaya (pousse-pousse) et suivant les rues aux petites maisons de bois. Il décrit jusqu’à les rendre parfaitement visibles (je rappelle qu’il était quasi non voyant!) les enseignes de magasins, le contenu des boutiques, les cerisiers du temple shinto et les attitudes des habitants à son égard… Mais ce qui m’a frappé, surtout, c’est le côté enthousiaste, naïf et presque mièvre de ses impressions. Il ne s’en cache pas, et il le justifie de façon touchante et sincère : il compare ce Japon du premier jour au pays des fées, en ajoutant aussitôt : « Sans doute cette déclaration est-elle suprêmement banale, (…) se trouver tout à coup dans un monde où tout est sur une échelle plus menue et plus fine que chez nous, (…) un monde où la terre, la vie et le ciel sont tous différents de ce qu’on a vu ailleurs, voilà qui réalise pour des imaginations nourries du folkore anglais le vieux rêve d’un monde des elfes » .
Pourtant, tout n’était pas rose lorsqu’il s’installa dans ce pays dont il ne parlait pas la langue, et dont il ne connaissait la culture que par les livres, notamment ceux de Basil Hall Chamberlain, alors professeur de littérature anglaise à l’Université impériale de Tokyo. Bien qu’il espérait y prendre un nouveau départ, il n’avait pas d’idée sur comment s’y prendre. Passionné, mais timide, et définitivement pas doué pour mener ses affaires, il s’imagina trouver un emploi de précepteur dans une riche famille… Il lui arrivera exactement l’inverse. Muni d’une recommandation, il fut reçu par Basil Hall Chamberlain, qui lui trouva un poste d’enseignant au collège de Matsue, Izumo, où Hearn s’installa.
On peut encore aujourd’hui y visiter sa maison, transformée en musée. L’endroit est très éloigné de Tokyo, et l’ère Meiji n’y a pas encore apporté de profonds bouleversements. Matsue, petite ville tranquille et traditionnelle, vit encore au rythme des trois castes : samouraïs, moines et prêtres, artisans et marchands. Dans une petite ville, un homme seul, âgé de quarante ans, étranger de surcroît et occupant un poste lui assurant un revenu régulier, c’est suffisant pour qu’un de ses collègues japonais lui fasse une proposition inattendue : un mariage arrangé, avec la fille des Koizumi, une vieille famille de samouraïs, aux conditions suivantes : à lui le confort domestique, en échange il devra assumer la charge de ses beaux-parents, qui ont perdu leurs revenus depuis la réforme abolissant la caste des samouraïs… La proposition implique, en outre, que Lafcadio Hearn prenne la nationalité japonaise, les mariages entre japonais et gaijin étant encore interdits.
Le plus étonnant fut qu’il accepta. Il se fit adopter par les Koizumi, changea de nom pour s’appeler dorénavant Yakumo Koizumi, prit la nationalité japonaise et épousa Setsu Koizumi. Il en eut un fils, et toutes les lettres qu’il écrivit à l’époque montrent que ce fut le moment le plus heureux de sa vie… Les rares photos de l’époque le montrent en kimono, à une époque où il était de bon ton, quand on était professeur, de s’habiller en costume trois-pièces-cravate… A noter que la maison où il s’installa a été reconstituée à l’identique, proche de l’endroit où elle se situait à Matsue, et peut se visiter : il s’agit du Musée Mémorial Lafcadio Hearn. Vie hélas courte, puisqu’il décéda d’une crise cardiaque à seulement 54 ans, 14 ans après son arrivée au Japon. Mais cette période aura été la plus féconde en tant qu’écrivain, et c’est celle qui restera pour la postérité. Probablement, il est vrai, en raison de son étrange destin, mais aussi et surtout pour ses écrits.
J’ai déjà cité Glimpses of unfamiliar Japan, publié en France sous le titre de Pélerinages Japonais (Mercure de France), et dont est extrait Ma première journée en Orient (Folio). J’ai déjà dit tout le bien que j’en pensais, et à 2€, c’est une erreur de passer à côté. D’autant que le livre est complété par un intéressant compte-rendu de sa visite à Kizuki, où se trouvait un des plus anciens sanctuaires shinto. Mais sa spécialité littéraire, qui le rendit célèbre, c’est la compilation et la réécriture de contes traditionnels, dont le plus marquant exemple est le livre Kwaidan, dont fut tiré le film du même nom (Prix spécial du Jury à Cannes 1965 – sublime musique de Toru Takemitsu, mais là aussi je digresse). Il s’agit essentiellement d’histoires de fantômes, et/ou de yokai, qu’il se faisait raconter par les anciens dans les villages où il voyageait. Certaines légendes était déjà célèbres, comme Yuki-Onna, la femme des neiges, ou la légende de Hoïchi, le moine musicien qui faisait pleurer les morts en chantant le Heike Monogatari; d’autres seraient sans lui tombées dans l’oubli. Les textes de Kwaidan, ainsi que d’autres provenant d’autres recueils, sont rassemblés dans une chouette édition de poche chez 10/18, sous le titre Le mangeur de rêves. C’est ce livre, que j’ai acheté d’occasion, qui m’a fait découvrir la richesse et la variété des contes qu’a rassemblés et mis en forme Lafcadio Hearn. Outre ceux que j’ai déjà cités, on y trouve des textes de toute sorte, courts ou longs, certains inachevés (comme le saisissant Celui qui avala un fantôme, curieux récit d’un soldat qui voit apparaître un samouraï belliqueux dans sa tasse de thé…). Tous ont en commun une double inspiration shintoiste et bouddhiste :
shintoiste par la variété et la fantaisie des mythes mis en scène, souvent liés aux forces de la nature, et bouddhiste par la notion de karma, et de réincarnation. Le livre est particulièrement intéressant pour toute personne qui souhaite en savoir plus sur l’imaginaire japonais, puisqu’il donne des explications claires de notions typiques, comme l’heure du boeuf, l’importance de la calligraphie, les yokai, etc… Je ne vais pas citer tous les contes, il y en a plus de quarante. Je finirai par celui-ci : Le mangeur de rêves, récit qui donne son nom au titre du recueil, est une légende merveilleuse : le Baku, créature ressemblant à un tigre mais avec une trompe d’éléphant, vient quand on l’appelle la nuit aux cris de « Baku Kurae ! Baku Kurae! » pour manger les cauchemars, mais dans sa grande sagesse, il refuse parfois, parce que certains cauchemars, si on sait les interpréter, donnent la voie de l’acomplissement de soi…
Tout l’art de Lafcadio Hearn est de rendre ces contes vivants, de différentes manières : soit en les restituant « bruts de décoffrage », un peu à la manière des contes de l’Oeil du serpent, dont je vous ai déjà parlé ; soit en les mettant en scène, voire en se mettant en scène, créant un effet de mise en abyme subtil, comme avec le Songe d’un jour d’été, où le narrateur (lui-même) vit une aventure qui lui rappelle étrangement un conte, comme s’il en était le protagoniste originel… et comme si les personnes qu’il rencontrait dans la vraie vie, étaient eux aussi tous droit sortis d’un rêve… Le dernier texte du recueil, Images de l’impossible, résume de façon saisissante tout l’esprit de ces contes anciens : en parlant d’une certaine apparition, il dit « Cherchez à la courtiser, elle est Echo. Cherchez à l’étreindre, elle se fait Ombre. Mais son sourire nous hantera à l’heure de la dissolution et au-delà, à travers d’innombrables vies à venir. » De ces innombrables vies à venir, Lafcadio Hearn s’attache à restituer le cycle éternel à travers les contes, qu’ils soient horribles, ou poétiques, ou amusants, ou effrayants, mais dont la seule morale est de nous rappeler la fugacité de nos existences, dans le tout qui fut créé « par le flux et le reflux infinis des visions et des espoirs de la jeunesse, à travers les cycles innombrables de votre propre passé incalculable » .
Le Japon tel que le décrit Lafcadio Hearn n’est plus de ce monde, et depuis longtemps. Il a les couleurs des peintures de Hiroshige et de Hokusai, et probablement qu’à son époque, il était déjà en voie de disparition. Lui, le journaliste apatride, devenu fils de samouraï quand les samouraïs n’existaient officiellement plus… Lui, l’Irlandais né au pays de la mythologie grecque, et élevé dans un lointain pays celtique, ne pouvait trouver, dans ce Japon-là, que son paradis sur terre, rêvé depuis l’enfance… Enfin débarrassé des ennuis matériels qui lui ont pourri l’existence, enfin arrivé en son pays des fées.
(Certaines images de cet article, notamment la première, proviennent du site internet de l’exposition commémorative de 2010, pour les 120 ans de son arrivée au Japon : « The Open Mind of Lafcadio Hearn« .)
Le titre de cet article est une référence à une des nouvelles du livre « le Mangeur de rêves ».
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Très bon article, avec des références que je garderai dans un coin du cerveau. Nobi Nobi a publié récemment le très bel ouvrage « Hoichi, la légende des samouraïs disparus », inspiré de l’un des récits de Kwaidan. Je l’ai acheté pour mon filleul et ses petits frères, je l’ai lu et je le recommande chaudement. Il est magnifique, tant du point de vue du graphisme que du texte.
Le Japon tel que le décrit Lafcadio Hearn n’est plus de ce monde >> Ce n’est qu’une supposition de ma part (je n’ai pas étudié la vie de cet auteur), mais je me demande si Lafcadio Hearn n’a pas suivi consciemment le chemin de ses collègues restés en Europe. Au 19è siècle, la littérature orale passe à l’écrit, avant que ces récits transmis de bouche à bouche ne disparaissent complètement. La société changeait, il est possible que certains hommes (pas sûre qu’il y ait eu des femmes) aient ressenti l’urgence de conserver cette mémoire si volatile.
Si je me souviens bien (de mon cours de littérature orale de 1998-99), c’est Elias Lönnrot qui va lancer les choses avec le Kalevala en 1835. Je connais mieux le cas de la Bretagne, vu que mon cours était basé sur ce sujet (j’étudiais à l’UBO de Brest en 98-99). On citera le Barzaz Breiz (1839), très retravaillé par son auteur Théodore Hersart de la Villemarqué, La Légende de la Mort (1893), moins retravaillée par Anatole Le Braz, pour la Bretagne « bretonnante » (globalement celle à l’ouest de Rennes) ou Paul Sébillot avec les « Contes populaires de la Haute-Bretagne » (1880) pour la Bretagne plus « francisante » (à l’est de Rennes donc).
Dans tous les cas, ces auteurs ont sauvé un patrimoine qu’il serait impossible de retrouver aujourd’hui, même si on consacrait des milliards d’euros aux fouilles archéologiques. Comme ce qu’on ne paye pas avec une Mastercard, ça n’a pas de prix.
merci pour ton commentaire
Nobi Nobi publie de très beaux livres en général, je n’ai pas lu celui dont tu parles même si je l’avais repéré dans mes recherches sur Lafcadio Hearn.
Je ne connais pas trop les auteurs dont tu parles, à part Anatole Le Braz ; mais il est certain que Hearn avait ça dans le sang, de part son enfance solitaire, emplie de légendes celtiques. pour lesquelles il se passionnait. Avant le japon, il eut une démarche similaire avec les contes antillais, lors de son séjour en Martinique, et même à la Nouvelle Orléans, où le vaudou était encore vivace. Le Japon avec ses traditions ne pouvait que combler son esprit épris de fantastique et de magie. Il est arrivé au bon moment (l’ère Meiji) au bon endroit, et a grandement contribué à la préservation de ce patrimoine ; c’est pourquoi il est encore célébré aujourd’hui par les japonais. Comme l’un des leurs.
Dans un souci de parité, y compris pour parler d’un siècle aussi sexiste que le 19è, je noterai que Madame Barbe-Emilie de Saint-Prix a aussi fait partie des collecteurs de vieux récits, et ce à partir de 1820, avant donc la publication du Kalevala.
« Elle devait recueillir [...] un poème chanté de portée historique [...] où le souvenir du siège de la ville de Guingamp en 1489 se mêle à celui de 1591. » (Les passeurs de mémoire, de D. Laurent & Co, publié en 1996).
La page 6 du même ouvrage parle de « Cette conviction que les chants, contes et légendes sont d’un grand prix pour la connaissance de l’âme d’un peuple est déjà familière en Angleterre (Thomas Percy, 1765) et en Ecosse (Herd, 1769). »
Bel article. Ca fait plaisir à lire, vraiment. Pas grand chose à ajouter. A part – peut être – que son style et son approche narrative sont clairement emprunts du fantôme de Maupassant.
La maison-musée de Matsue par contre n’est pas géniale. Mais par contre l’ambiance de Matsue et de la région est clairement propice à l’évocation des esprits, qu’ils soient animistes ou shinto. Matsue dégage quelque chose de vraiment calme, étrange même quand on se ballade dans les rues proches du château et ses bois (en face de chez Hearn, donc). Pas loin il y a Izumo et son Izumo Taisha où en Octobre tous les dieux shinto se réunissent pour une grosse fete. Et à meme pas 1H il y a la ville natale de Mizuki Shigeru (qui, dans un sens, continua le travail quasi scientifique de Hearn, sur le recensement et continuité des mythes folkloriques)
Merci du compliment, ça fait plaisir à lire
Cela fait bien longtemps que j’ai lu Maupassant la dernière fois… Je dirais qu’il y a quelque chose d’impressionniste (la référence est facile, je sais) dans la manière de Hearn de nimber ces récits dans une lumière souvent irréelle, comme si le décor naissait progressivement à nos yeux. Peut-être un effet de sa propre déficience visuelle. D’autres contes sont, comme je le souligne plus haut, plus bruts, plus simples, peu éloignés il me semble de la manière dont il a dû les collecter (genre « Il y avait dans la province de N*** un Samouraï très pauvre, dont la fille », etc…).
Très intéressant, je ferais en sorte d’acheter les livres que tu cite sous peu.
C’est étrange de lire un tel article maintenant car c’est justement depuis hier que je me suis mis à la lecture du manga « Nura le seigneur des yokai » avec, en complément ponctuel, le dictionnaire des Yokai de Shigeru Mizuki chez pika (que je recommande fortement !).
ah oui, ceux-là, surtout le Mizuki, faut que je me les offre !
Nura parle autant de yokai que Bleach de shinigamis (à peu de choses près) ; le titre évoque certaines légendes mais ceux qui veulent vraiment des informations sur les yokai auront mieux fait de jeter un coup d’œil du côté des livres de Shigeru Mizuki, voire de la série Kosetsu Hyaku Monogatari pour les animes. Il s’agit d’un manga bien fait, très sympathique, et que j’aime beaucoup, mais que je ne recommande pas à qui cherche à se renseigner sur les yokai.
Article intéressant au demeurant, je ne connaissais pas du tout cet auteur. Sa démarche de coucher sur le papier les légendes japonaises peut justement se rapprocher de celle qu’aura plus tard Shigeru Mizuki, qui évoque justement leur transmission orale dans l’excellent Non Non Bâ. Il s’agit d’une démarche de salut public absolument indispensable.
Effectivement, mais je n’ai peut-être pas assez souligné que Hearn n’avait pas qu’une démarche de conservation – et je ne suis pas certain qu’il l’ait même fait de façon scientifique, c’était un écrivain, non un ethnologue. Dans plusieurs contes, il se permet des digressions, il parle en disant « je », il donne son point de vue, n’oublie pas qu’il s’adresse en majeure partie à un public occidental… Et dans ses récits de voyage, son style est beaucoup plus littéraire que journalistique.
C’est pour ça que je parlais de quasi scientifique. Par contre pour Mizuki, on peut oublier le quasi. Le mec est un ethnologue du folklore, par passion mais son boulot de préservation est minutieux et complétiste.
Pour en revenir à Hearn, l’utilisation du prisme « je » n’est pas totalement opposable à une approche scientifique, didactique. Je ne suis cependant pas du tout certain que sur le moment il ait agit dans cette optique. J’en reviens encore à Maupassant et, imho, cet intérêt pour un folklore fantastique en découle quelque peu, même si bizarrement sur la finalité le travail de Hearn est en contradiction totale. Maupassant prophétisait le fin d’un fantastique de folklore au profit d’une sorte d’opposition au réel (scientifique), Hearn le préserve comme il peut dans une sorte de découverte passionnée.
édition d’époque (fac-similé ou bien conservé.)

Article tres plaisant a lire, merci.
J’etais justement a Matsue la semaine derniere… Une ville etrange: plus de 200 000 habitants mais pas de rue principale et cette impression bizarre que la ville est toujours deserte. (en fait c’est tout le coin qui m’a laisse une drole d’impression- ce n’est pas pour rien que la prefecture de Shimane est surnomme « le pays des Dieux »).
Pour ce qui est du musee de Lafcadio Hearn, c’est vrai qu’il est tout petit… Pas grand chose a se mettre sous la dent. Sinon concernant le mariage de Hearn, la version romancee est que Setsu aurai pris pitie du seul etranger de la ville, se serait occupe de lui, et que touche par sa gentillesse le professeur aurait decide de l’epouser.
merci pour l’anecdote… elle est effectivement romancée, quand on sait que ce fut un mariage par intérêt, à la base. à noter aussi que d’après les rares photos, il semble que Setsu Koizumi n’était pas une beauté. comme quoi un mariage d’intérêt, sur le tard, avec une femme pas très jolie, dont on ne parle pas la langue, peut finalement apporter le bonheur.
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Bonjour,
votre présentation de Lafcadio Hearn est vraiment très intéressante.
La publication des oeuvres de Hearn en français est très chaotique, à moins d’avoir l’épais volume « Le Japon » paru en collection Mille pages à présent introuvable sauf à un prix prohibitif. Savez-vous si le contenu du « Mangeur de rêves » correspond à celui de « Fantômes du Japon » paru en 2007 dans la collection Motifs et qui comporte 45 textes ? J’ai aussi « Kwaidan » dans la collection « Le petit mercure », repris pour l’essentiel dans « Fantômes du Japon » (avec parfois des titres différents alors qu’il s’agit toujours du même traducteur !), mais il ne semble pas complet : il y a 16 textes, j’ai vu qu’une édition anglaise en comporte 17 et une amie me dit que dans son édition japonaise il y en a une quarantaine… Tout cela est bien compliqué !
Merci d’avance. Cordialement.
Dominique Quélen